Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Des coulées de transfert en psychanalyse

Des coulées de transfert en psychanalyse

Des coulées…

Une proposition de Marc Eisenbraun

La psychanalyse pose comme postulat de base qu'elle ne peut se faire que dans la dimension du transfert. Et on le voit au premier entretien, quand le transfert est déjà là avant même la rencontre ou quand il est absent, séances alors en général assez lourdes, pesantes. Comme si on le savait d'avance, de part et d'autre. Quelque chose n'est pas encore mûr chez le futur analysant et peut-être chez l'analyste non plus, pour recevoir un nouveau patient. La disponibilité, l'ouverture n'est pas là, peut-être parce qu'on est emberlificoté dans un nœud avec un des analysants. C'est un peu comme de la télépathie. Les patients qui sont restés avec nous, on est presque à même de se dire qu'on le savait. Alors que ceux qui ne sont pas restés, on n'en est pas plus étonné! Il y a comme une trame, une texture de l'inconscient collectif, dirais-je, qui fait que ceux qui sont destinés à se rencontrer se rencontrent et ceux qui se sont rencontrés par "accident" s'en rendent compte très vite. Et il y a les psychotiques qui échouent là et une fois qu'ils sont là, ils restent, comme ils peuvent ne pas revenir et revenir une autre fois sans prévenir même si la case du temps réservé n'est pas tout à fait fermée. Ce à condition qu'on ne les fasse pas "chier". Un mot de travers, c'est-à-dire un signifiant, peut décider de la continuation de la cure ou non. Là, on est dans le réel, le halo du charme transférentiel est absent. La lumière est crue. N'y a-t-il pas d'amour là-dedans, amour entendu au sens que lui donne le transfert? On disait "de mon époque" qu'il n'y avait pas de transfert chez le psychotique. Je ne connais pas les points de vue actuels sur la question mais je me pose cette question, là maintenant (illac nunc). Merci le support "la psychanalyse en mouvement"!
J'ai l'impression, en y réfléchissant -- est-ce bon de réfléchir? -- qu'il peut y avoir de l'amour mais pas de transfert au sens analytique du terme. Celui-ci m'apparaît à présent comme ce lien indéfinissable, au début du-moins, entre deux personnes où tant de choses se rejouent qu'on se demande parfois!... En cela, c'est effectivement comparable au lien amoureux et à partir de là, puis-je en déduire que tout lien amoureux est toujours dans la dimension de la névrose? N'y a-t-il pas quelque chose de l'ordre de la possession, de la relation d'objet qui s'y joue, tant du côté de l'analysant que de l'analyste? Une interdépendance. Aliénation mutuelle. Même s'il y est question de faire naître le sujet! Mais ça c'est une autre histoire qui se construit dans la dimension de la cure.
Ce sont bien sûr des questions que je me pose pour l'instant. Qu'est-ce qui fait que dans le transfert on se tienne ainsi par la barbichette même si par ailleurs on sait qu'il s'y rejoue un lien archaïque dont il s'agit précisément de se détacher? Cela doit-il nécessiter un aussi long temps où analysant-analyste vivent au même rythme, dans le même temps temporel?
Je sais qu'il n'en peut être autrement dans cette dimension-là, la dimension analytique. Aurait-ce à voir avec le cadre? Avec la culture dans laquelle est prise l'analyse? Avec le point de folie de Freud, folie de la passion, passion de la folie?
Le psychotique homme ou femme ne vient pas parce qu'il vous aime ou parce qu'il a besoin de rejouer quelque chose. Il vient pour lui, pour se retrouver lui, pour se rassembler, se reconstituer. Parfois ça peut passer par l'amour érotomaniaque, passionnel, fraternel ou grand parental, rarement parental parce qu'il n'y a pas d'amour entre eux autre qu'une reconnaissance quasi-biologique. J'espère ne pas dire trop de bêtises dans cette errance…
En psychanalyse se met en place une relation de l'un à l'Autre, dirais-je, dans un sens dualiste. Ce qui est intéressant dans les méthodes indiennes, yoga, tantra, est qu'il y a un maître, certes, mais pas d'aliénation, d'allégeance, de soumission, de relation transférentielle, enfin on verra. Je parle plus précisément du tantra shivaïte bien que sachant, pour le voir, qu'il y en a qui sont bien accrochés au maître mais le maître ne recherche pas ça au sens où l'analyste, sans transfert, eh bien il fait pas grand-chose. En tout cas pas de l'analyse traditionnelle, disons freudienne.
Le maître, au contraire, cherche à ce que l'élève et le maître soient dans un rapport de semblables. Est-ce précisément pour éviter cette aliénation à l'autre? Dès qu'il voit que ça s'installe, il cherche à libérer l'autre de ce lien, en le poussant à chercher le maître en lui, la connaissance, le savoir, à établir en fait un lien avec l'Autre de lui-même en lui-même, le maître n'étant là que pour montrer le chemin pour accéder à soi. Et ça marche! Par quel phénomène? Peut-être bien aussi par quelque chose de l'ordre du transfert en son retournement, transfert sur soi, c'est-à-dire sur l'inconnu en soi. Chercher en soi à travers le souffle, le yoga, la méditation, etc… Dans le tantra, il y a le soi qui inclut l'un et l'Autre, en psychanalyse il y a l'un et l'autre. D'un côté une bulle, de l'autre un espace.
L'analyste, lui, a besoin de "sceller" le transfert pour que le chemin puisse se parcourir, le risque étant de finir par errer ensemble pour ne plus arriver à se séparer, à dissoudre ce lien si fort, si étrange, si maladif en soi. Je me suis laissé dire, mais ce n'est peut-être qu'un ragot, que Lacan en était arrivé à foutre des baffes quand l'autre refusait de se décoller et sans doute après avoir tout essayé. Y a-t-il des mal(é)dictions dans les cures selon la façon dont elles démarrent?
Le transfert freudien est peut-être corrélatif du langage, de la parole plus précisément. On ne peut pas parler tout seul, enfin ça sert à rien. Il y a besoin de l'autre pour parler, pour se raconter, pour se mirer. Cet autre doit être physique. Et il y a besoin de l'Autre pour naître, devenir autre. A-t-il besoin d'être physique? La parole nécessite ce support physique qu'est l'analyste. Mais c'est effectivement rien d'autre qu'un tas de chair, comme le dit Ignacio Garate Martinez, ou un tas d'os ou petit tas (ibid), destiné à être jeté. A partir de là, on peut se poser la question de l'amour qui est porté à ce représentant de l'Autre, en sa plastique, sa personne?
Dans ma pratique, je pourrais me laisser aller à entendre de telle patiente qu'elle est amoureuse de moi et je pourrais me laisser aller à penser que je pourrais tomber amoureux d'elle. Et alors, ça mènerait à quoi? Ça ne pourrait mener qu'à la rencontre physique qui en soi n'est pas occultée ni tabou pour moi mais à condition qu'elle mènerait à la dissolution immédiate du transfert analytique pour une ouverture totale sur la vie, sur l'amour, sur l'activité/non-activité, sur la liberté de l'être nettoyé de sa problématique quelle qu'en soit la structure psychique, sur la désintégration du signifiant des signifiants, comme peuvent le faire des maîtres indiens installés dans ce qu'ils appellent l'Eveil, alors oui pour la rencontre physique en un orgasme qui serait une pluie d'étoiles de l'être de la patiente pulvérisé en sa crispation étant entendu que l'analyste qui ne le serait plus ne jouirait que de la seule fin heureuse de la cure. Alors, celui qui veut s'y essayer, il peut. Par contre celui qui ne penserait qu'en purs termes de consommation perverse, de dévoration hystérique de sa patiente, risquera de le payer fort cher, tant comme analyste qu'en tant qu'homme car qui s'approprie s'enchaîne.
Je ne parle même pas de la catastrophe imaginaire que cet acte pourra causer à la patiente si elle attendait autre chose de celui qu'elle avait élu en son cœur que d'être purement croquée. Par contre, si son désir hystérique était de faire craquer en le séduisant l'analyste et qu'elle y aura réussi, elle aura gagné le cocotier. Il y a bien d'autres cas de figure évidemment.
Par contre, les exemples sont nombreux de cures qui se sont terminées en une amitié forte et durable, amoureuse ou non. Pour la joie de tout un chacun.
L'adepte du yoga peut rester x temps sans voir son maître et travailler tout seul pendant ce temps, comme le travail se fait de la même façon entre les séances d'analyse. C'est peut-être un rapport au temps que j'interroge tout simplement en parlant du transfert. Le besoin de "voir" celui ou celle qu'on aime pour lui parler d'amour, d'amour de soi en passant par l'autre. Dans le couple classique, il y a deux discours amoureux différents qui se télescopent, se rentrent dedans, dans le couple analytique il y a un discours qui se déroule dans le vide d'où lui parvient son écho sans pour autant qu'il en tombe amoureux mais pour qu'il apprenne à aimer, en commençant par soi. Beaucoup d'analysants ne tombent-ils pas dans le premier cas de figure, devenant des petits Narcisse en puissance égale à celle du petit être qui soutenu par l'amour, se croit tout puissant et tout beau? Et dans ce cas-là, qu'est-ce qui s'est passé dans le transfert? Dans quel sens a-t-il eu lieu?
Et le transfert, non en psychanalyse, mais à la psychanalyse? Qu'en est-il? Quand celui-çi se dissout, que reste t'il de l'analyse? Une méthode parmi d'autres? Le deuil de l'Autre? La déréliction? L'infini? Le désêtre? Le laisser être?




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06/04/2006
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