Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Psychanalyse, cinéma, télévision et internet ....

« Le cinéma est le meilleur instrument pour explorer le monde des songes. » Luis Bunuel

Ci-dessous, pour donner un aperçu des rapports cinéma et psychanalyse, un article proposé par ARTE à l'occasion de soirées Théma consacrées à la psychanalyse au cinéma, les 28 avril et 30 avril 2006

 

Sigmund Freud

Le cinéma sur le divan

Comment le cinéma s'est-il emparé de la psychanalyse?

Est-ce un hasard si le cinéma et la psychanalyse, dont les chemins se sont souvent croisés, sont nés à la même époque ? 1895. Alors que Sigmund Freud et Joseph Breuer publient leurs révolutionnaires Etudes sur l'hystérie, les frères Lumière mettent au point le "cinématographe". Dès lors, la naissance de cette toute nouvelle forme d'expression donne un sens collectif à ce que Freud appelle "l'étrange familier" : les images à l'écran sont à la fois familières et un rien étranges, vivantes et inanimées, réelles et illusoires…
Pour autant, le grand homme se méfie du cinéma. Il n'aime pas être filmé et estime qu'il est impossible de restituer le travail psychanalytique par le biais du médium cinématographique. Lorsque Samuel Goldwyn, l'un des pères fondateurs d'Hollywood, lui propose la somme de 100 000 dollars pour rédiger un scénario, Freud refuse catégoriquement. C'est pourtant l'un de ses proches collaborateurs, Karl Abraham, qui écrira le premier film sur la psychanalyse, Les Mystères d'une âme réalisé par Pabst en 1926.

Le thriller psychanalytique

De son côté, le cinéma garde lui aussi ses distances vis-à-vis de l'exploration de l'inconscient. Jusqu'en 1945, les psychiatres sont représentés à l'écran comme des charlatans maléfiques ou, au mieux, comme de parfaits imbéciles. Ce n'est qu'au lendemain de la Seconde guerre mondiale que les idées de la psychanalyse trouvent un large écho dans la société, notamment outre-Atlantique. Selon la formule d'Hitchcock, le psychiatre est désormais un "enquêteur des rêves", capable, depuis son cabinet, de résoudre une affaire tout en identifiant les causes d'un traumatisme. C'est d'ailleurs avec La Maison du docteur Edwards (1945), du même Hitchcock, que le psychanalyste fait désormais jeu égal avec l'inspecteur de police ou le détective privé. Dans le film, Ingrid Bergman campe une psychiatre qui parvient à prouver que Gregory Peck, souffrant d'amnésie, n'est pas coupable du meurtre dont il s'accuse. Si l'adhésion au message psychanalytique, d'une certaine naïveté, alourdit l'ensemble, La Maison du docteur Edwards ouvre incontestablement une brèche dans le cinéma hollywoodien. Suivront ainsi Le Mystérieux docteur Korvo (1949) d'Otto Preminger, où Gene Tierney, convaincue d'être une meurtrière, est innocentée par son mari psychiatre, ou encore Soudain l'été dernier (1959) de Joseph Mankiewicz, où Montgomery Clift, en praticien averti, sonde et soigne les âmes en souffrance. Trois ans plus tard, le même comédien campe Sigmund Freud dans le film éponyme de John Huston : en une quinzaine d'années, le cinéma s'est totalement approprié la science inventée par le médecin viennois.

Surréalisme et psychanalyse

Sans nécessairement représenter le psychiatre à l'écran, certains cinéastes se servent des apports de la psychanalyse pour stimuler leur créativité. L'héritage surréaliste n'est pas étranger à cette démarche esthétique, comme en témoignaient déjà les séquences de rêve conçues par Salvador Dali dans La Maison du docteur Edwards. Dès ses courts métrages, David Lynch met en scène des têtes humaines sur lesquelles poussent des bras, avant de s'enflammer et de vomir… Dans Blue Velvet (1986), les apparences (trop) lisses d'une petite ville américaine dissimulent des abîmes de monstruosité : un travelling inaugural, sorte de condensé de l'œuvre du réalisateur, nous fait passer de la surface d'une pelouse fraîchement tondue à un grouillement d'insectes répugnants. "Ce monde de la banlieue tranquille a une surface rassurante, triviale, mais il possède aussi ses zones d'ombre, ses abysses qui sont aussi profonds que partout ailleurs. Explorer ces abysses, sonder ces profondeurs, voilà ce que j'aime par-dessus tout," explique Lynch. Une approche qui n'est pas sans rappeler celle du psychanalyste… Tim Burton, lui aussi, se plaît à aller au-delà des apparences trompeuses, mais témoigne d'une certaine tendresse pour les êtres monstrueux. Dans Edward aux mains d'argent (1990), le personnage incarné par Johnny Depp agit comme un catalyseur émotionnel chez les ménagères du voisinage, faisant écho au processus cathartique de la psychanalyse. Dans Mars attacks ! (1997), le cinéaste s'amuse à recomposer, pour ainsi dire, des personnages mi-humains, mi-animaux, comme dans une vaste toile surréaliste.

La psychanalyse s'empare du cinéma

A partir des années 1970, c'est au tour de la psychanalyse de s'intéresser au cinéma. Des théoriciens comme Laura Mulvey ou Christian Metz s'appuient sur l'introspection de l'inconscient pour analyser les films. D'après Metz, le sujet représenté à l'image n'est pas censé se rendre compte qu'on le regarde et, par conséquent, le spectateur se retrouve dans la situation du voyeur. La vision du film reproduit ainsi la "scène originaire" que Freud considère comme un déclencheur du conflit œdipien. Cette lecture psychanalytique du cinéma est particulièrement pertinente s'agissant de l'œuvre d'Ingmar Bergman : dans Le Silence (1962) ou Persona (1966), des êtres en souffrance s'affrontent mentalement et placent d'emblée le spectateur en position de voyeur. Le motif du miroir, offrant un reflet déformé d'une réalité psychique tourmentée, traverse d'ailleurs les films du cinéaste suédois, de Persona à L'œuf du serpent (1976) et Face-à-face (1975).

Pour le psychanalyste Andrea Sabbadini, la vision d'un film se rapproche du travail psychanalytique : pendant une période donnée, le spectateur est comme retranché du monde, hors du temps réel, et projeté dans un espace imaginaire où des vies entières peuvent se dérouler en quelques dizaines de minutes. Bernardo Bertolucci, qui reconnaît que plusieurs de ses films lui ont été inspirés par sa propre psychanalyse (Le Dernier tango à Paris en 1972, Le Conformiste ou La Stratégie de l'araignée en 1970), compare volontiers la salle de cinéma à "l'obscurité amniotique du ventre de la mère." L'expérience de la salle obscure est presque "régressive" selon Sabbadini qui ajoute que les cinéphiles, dévorant des centaines de mètres de pellicule par jour, refusent parfois d'affronter la réalité et préfèrent se réfugier dans un monde chimérique. C'est en tous les cas le cheminement de Woody Allen qui, enfant et adolescent, fuyait son quotidien en fréquentant assidûment les salles de son quartier : devenu lui-même un grand adepte de la psychanalyse, il est sans doute le cinéaste qui a le mieux transposé l'expérience psychanalytique au cinéma (de Intérieurs en 1978 à Une autre femme en 1988) tout en se moquant volontiers des "psys"… Ce genre d'hommage irrévérencieux est assurément le signe que le couple psychanalyse-cinéma n'est pas près de divorcer…

Franck Garbarz

 

Cet article fait partie d'un joli dossier "Psychanalyse" mise en ligne par ARTE sur son site internet, avec notamment un parcours intéractif, "Rêveries".

Psychanalyse et cinéma sur ARTE

Voici par ailleurs le programme de ces soirées qui pourra servir même ultérieurement de références à qui s'intéresse au sujet...!

 

Thema - 28 avril et 30 avril 2006

Toute la programmation

Deux "Thema" autour de la psychanalyse

Le vendredi 28 avril à partir de 22.20
Psychanalyse et cinéma

À l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Freud, ARTE met en miroir la psychanalyse et le cinéma, apparus tous deux à l’aube du XXe siècle. Avec une biographie du célèbre Viennois filmée par un autre géant : John Huston.

22.20
Un écran nommé désir
Un documentaire d’Élisabeth Kapnist

23.15
Freud, passions secrètes
Un film de John Huston


Le dimanche 30 avril à partir de 20.40
Sigmund Freud, explorateur de l’inconscient

À l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Freud, ARTE propose un parcours passionnant à travers la vie et l’oeuvre du maître fondateur de la psychanalyse, avec en préambule, le magistral thriller freudien de Mankiewicz, Soudain l’été dernier.

20.40
Soudain l’été dernier
Un film de Joseph Mankiewicz

22.35
Le démon du voyage du Dr Freud
Un documentaire de Henning Burk

23.30
Les chemins de l’inconscient
Un documentaire d’Otto Brusatti


en ligne sur

Psychanalyse et cinéma sur ARTE: programme

Psychanalyse et cinéma Vocabulaire

Abandon et sentiment d'abandon

La psychanalyse ...?

Psychanalyse et transmission

Impensé familial et généalogique

Impensé familial et généalogique, suite

Psychanalyse et systémique

Enquête sur l'objet perdu

Psychanalyse en question

Transmission

Psychanalyse et mathématiques

Psychanalyse en mouvement Préambule

28/04/2006
Retour
Commentaires
Vous devez être connecté pour déposer un commentaire