Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Anorexie et publicité Acte 3

Anorexie et publicité - Le photographe, la jeune fille et la marque: une affaire de goût?

 

L'après coût dans l’après coup (d’une exhibition)
Réflexion en trois actes et quelques propos



Troisième Acte
Du côté de la marque … Un acte publicitaire à quelle faim?



On sent le jeu de mots: nolita no lolita… Mais alors pourquoi utiliser une lolita en souffrance qui cherche encore à plaire même si c'est sous prétexte d'agir comme répulsif ? Et comment peut-on prétendre repousser avec l'image même dont on se sert pour attirer?
Nul doute qu’un double discours anime un corps en souffrance, partagé entre la vie et la mort. Nul doute non plus que l'ambiguïté soit au coeur même de la vie, tout comme elle l’est dans l'intimité du cabinet privé qui autorise l'acte psychanalytique, mais ici l’ambiguïté du message laisse un goût amer sur le palais.

No Anorexia No L ita
En regardant l'affiche, on devine l'équation : une marque (de vêtements ?) mise en parallèle avec le no à l’anorexie. Pour laisser entendre quoi? Qu'il suffit d'adhérer à la marque pour lutter contre l'anorexie ? Ou que pour dire non à l'anorexie, il suffit de dire oui à la marque... Comme si la marque était un vaccin contre l’anorexie…
No anorexia? Qu'est-ce à dire? La pointant comme un danger menaçant ceux qui sont en bonne santé, comme un mal à abattre ou un fléau extérieur dont il faudrait se protéger, on se demande à qui ici est destiné le coup de poing publicitaire de cette marque qui se propose de la combattre…




Vendre oui, mais vendre quoi?

Invoquant l’anorexie, la marque se faufile derrière la jeune fille pour revendiquer, à l’instar du photographe, une noble cause... Mais si elle dénonce la laideur, l'horreur des « anorexiques », en s'effaçant derrière quelqu'un qui s'affirme en s'effaçant - s'affichant elle-même en filigrane, elle exploite le ressort même qui agit ce qu’elle prétend dénoncer. Ainsi, visant à s’attirer une clientèle, en exploitant la douleur, elle stigmatise la disparition du goût de vivre, et faisant de l’objet apparent de l’affiche un épouvantail, elle menace d’exclusion celles (et ceux) qui se sentent déjà si exclus du monde qu'ils ne peuvent que s'affirmer en s'effaçant pour tenter de s'imposer !
Entrant dans le jeu de la maladie, non seulement elle n’informe pas ceux pour qui cette pathologie reste une énigme, mais elle se propose de les en dégoûter.
Le no anoessia est une invitation à tenir la maladie à l’écart. Mais étant donné l’ambiguïté du propos n’agit-il pas d’abord comme une invitation à se détourner des malades ? C’est le drame de ce message si prétentieux qu’il peut tout laisser entendre et son contraire. Non à l'anorexie résonne ici comme l’occasion de se servir d’une maladie tout en disant non à ceux qui en souffrent.
Exploitant la nudité pour dire "venez", c'est par le pire ici que la marque attire... Le spectateur, agressé par la violence de l’image, croit avoir tout saisi du premier coup d'œil… Mais non, il lui reste à voir tout ce qu’il n’a jamais vu ou n’a jamais osé regardé et que la marque ici ose montrer.
Derrière cette laideur, il reste du jamais vu à voir... Et tandis que la jeune fille déclenche une avidité de voyeur, plus d'un (futur client) cherchera à voir encore au-delà, en allant voir les vêtements (de la marque)… juste pour voir un peu plus. Pris dans la spirale du voyeurisme et du toujours plus, sans doute alors les achèteront-ils pour voir qu'elle effet ça fait de les porter, ces vêtements que vante la nudité scandaleuse d’une jeune fille squelettique. Participant à une ineptie doublée d’une imposture, le client de la marque pourra – vacciné contre le danger de l’anorexie - prétendre participer à la lutte contre celle-ci tout en poussant l’avidité du voyeurisme toujours un peu plus loin. Portant la marque – s’affichant avec elle – il pourra en toute bonne conscience s’identifier au culot qu’elle préconise.
C’est là que le bât blesse. Le mot écrit dit No - l'affiche dit oui. Après tout pourquoi pas… ? Du moment que ça fait vendre .... Du moment que ça rapporte…

Quid d'une marque qui s'appuie sur la perte du désir? Si elle attire par ce qu'elle affiche: on peut dire qu’elle séduit par l'anorexie. Si elle agit en tant que répulsif, sa campagne n'aura servit à rien. On en viendrait à espérer qu’elle disparaisse de nos mémoires aussi vite qu’elle y est apparue. Après avoir fait parler d’elle en ces termes violents faute de se sentir exister... ! Mais alors, qu’adviendrait-il de l’anorexie? Si l’envie d’oublier l’une se confond avec celle de se désolidariser de l’autre…

Restant associée à l'anorexie - la marque nolita en fera-t-elle - comme Toscani - ses choux gras tout en continuant à afficher des bons sentiments, comme pour s’excuser là aussi de gagner de l’argent? La suite de l'histoire nous le dira.



Anorexie et publicité, suite et fin: Conclusion





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Préambule

17/11/2007
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