...fellini.huitetdemi.godard.lemépris.polanski.lepianiste.jarmush.deadman.joëlethancoen.fargo.visconti.lesdamnés.josephlosey.theservant.joycemcbougal.carlgustavjung...

La psychanalyse dans la presse écrite en 2006

Presse grand public, psychanalyse et internet...



  La psychanalyse dans la presse .... Regards, réflexions, expressions... Réactions ... propositions ... et autres intentions ... Comment la psychanalyse est-elle perçue dans la presse écrite, par la presse écrite, et comment se laisse-t-elle percevoir à travers la presse...



Archives... etc, 2006... c'est-à-dire, dans le même esprit que les années précédentes, de nombreux articles et autres propos, en relation avec la psychanalyse. Qu'elle soit évoquée comme simple référence ou abordée de façon plus substantielle. Ils rendent compte de son actualité et des réflexions qu'elle soulève, comme des mouvements qui la traversent, des humeurs qui l'agitent... et des débats qu'elle suscite.
Ils ont retenu notre attention au hasard du fil de nos lectures. Nous les portons à votre connaissance sans aucun dessein d'exaustivité. Ni partialité ni impartialité!
Faire-part ou invitation au partage... S'ils vous étonnent, vous interrogent ou vous surprennent, n'hésitez pas à communiquer à votre tour vos réactions et vos contradictions ...
L'ordre de présentation, dépendant de celui de nos lectures, ne respecte pas toujours la chronologie ... Les dates de publication mentionnées restent les meilleurs repères.
Il n'est pas impossible qu'un article se retrouve en double...
Sautez-le, passez au suivant, ou ... prenez le temps de le lire une seconde fois .... Pourquoi pas?
A quoi bon nous en tenir rigueur... ?
L'ensemble de ces articles peut permettre, nous semble-t-il, à tout un chacun de se faire une idée de la spécificité de la psychanalyse, de la richesse de son apport.
De sa place et de son rôle aujourd'hui, dans le monde "psy", comme dans un cadre de la vie sociale et culturelle.
De ses limites aussi. Ou de ses risques? Oui.
Et pourquoi pas, des dissensions et autres travers qui animent certains psychanalystes ou certains adversaires de la psychanalyse, détenteurs de Vérité ou partisans de la suprématie absolue et définitive d'une pratique sur une autre!
Autrement dit, cette lecture peut être envisagée comme un reflet de ce que la psychanalyse est susceptible d'apporter... à chacun ... sans pouvoir le garantir.
Et puis... ces articles, à titre d'information préventive, peuvent être abordés comme autant d'éléments d'une protection au moins aussi valable que celle proposée par l'auteur d'un texte de loi qui nous semble, mais pourquoi pas, opportuniste... et non garant véritable de quoi que ce soit...
A chacun de le dire, de le vivre, de le lire, de l'écrire, de le ressentir. À chacun d'aller pour le mieux et pour son bien à la rencontre de l'inconnu en soi.





 Lettre aux lecteurs Par Jean-Louis Hue

dans le Magasine Littéraire de Janvier 2006 consacré en grande partie à la psychanalyse sous le titre de couverture:
L'année Freud
Histoire de la psychanalyse à travers le monde



L'ditorial de Jean-Louis Hue

 Sujet libre




Faut-il tuer Freud? Cent cinquante ans après la naissance du père de la psychanalyse – moment historique que l’on s’apprête à célébrer en grande pompe – la question n’a rien perdu de sa virulence. Elle fait la une des hebdos et inspire de nombreux brûlots, dont ce Livre noir de la psychanalyse qui a secoué la dernière rentrée littéraire et que relaie ce mois Le Dossier Freud (enquête sur l’histoire de la psychanalyse) publié par les bien-
nommés, et souvent salutaires, Empêcheurs de penser en rond. Que reproche-t-on à Freud? Tout à trac, d’avoir été « menteur, charlatan, faussaire, plagiaire, misogyne, drogué à la cocaïne, dissimulateur, propa gandiste, obsédé sexuel, avide d’argent et de pouvoir ». Rien de moins. L’inventaire de ces griefs vient d’être dressé, pour mieux les récuser, par Élisabeth Roudinesco dans un livre brillant et incisif, mené à la manière d’une contre-offensive, et intitulé Pourquoi tant de haine? L’historienne rappelle que ces attaques contre Freud ne sont pas nouvelles, qu’elles relèvent même d’un genre constitué, les « Freud wars », apparu depuis les années 1970 aux États-Unis. Ainsi les « destructeurs de Freud » ont-ils entrepris de mettre à bas ce qui pour eux tient de la légende. On comprend parfois leur agacement: ils ne pardonnent pas à Freud d’avoir été souvent plus malin que les autres, y compris ses propres patients. Mais leur hostilité cache des raisons plus profondes. Favorisant les nouvelles thérapies cognitives, qui veulent réduire l’homme à une chose, sinon à une marchandise, ils ne supportent pas cette philosophie de la liberté inscrite au cœur de la pensée freudienne.
Freud a toujours dérangé. Volontiers provocateur (autre défaut?), il proclamait dès 1916 ses théories aussi révolutionnaires que celles de Copernic et Darwin en d’autres domaines. Il se vantait d’avoir ébranlé les certitudes du moi qui se croyait jusque-là maître dans sa propre maison. Aujourd’hui, dans un monde lisse et normé, Freud apparaît d’autant plus subversif. « La psychanalyse, si experte en troubles du désir, exige l’éclipse, l’absence, l’attente, la surprise, états de l’être bannis par les commerces, celui des mots et celui du marché », écrit Catherine Clément dans une récente biographie, juste et aimante, sobrement intitulée Pour Sigmund Freud.
Voilà pourquoi nous avons toujours défendu Freud au Magazine littéraire. La psychanalyse apparaît comme une forme de résistance essentielle: elle défend un sujet libre.

ENTRETIEN
Olivier Todd, la passion du réél

À force de percer au rayon laser les secrets de quelques vies et les équations personnelles qui font les destins, Jacques Brel, Albert Camus ou André Malraux, il fallait s’attendre à ce qu’Olivier Todd retournât un jour contre lui les armes, longuement fourbies, de la recherche de sa vérité. L’homme a vécu, plusieurs vies semble-t-il. Enfant sans père, élevé entre la France et l’Angleterre, français à Cambridge et anglais à la Sorbonne, « fils rebelle » de Sartre, journaliste et grand reporter dans les années 1960 et 1970, encore marqué aujourd’hui par les conflits qu’il a couverts, Vietnam ou Biafra. Un physique de beau gosse propre à en faire une star, une de ces figures emblématiques de la mythologie journalistique, ce qu’il se refuse à être, trop lucide, trop ironique, trop mélancolique. Collaborateur indocile au Nouvel Observateur, viré de L’Express en 1981 pour mauvais esprit (il avait appelé à voter Mitterrand et publié une couverture restée célèbre, où Giscard semblait déjà battu), auteur depuis de quelques grandes biographies qui l’ont conduit aux quatre coins du monde (on lit comme un thriller d’espionnage sa visite à Moscou, dans les archives du KGB pour André Malraux, Une vie) et qui, toutes, ont provoqué des réactions passionnées et quelquefois indignées: Todd préfère la vérité des faits aux brumes de la légende, et l’empirisme anglo-saxon aux spéculations fumeuses d’un certain intellectualisme français.
Cela donne aujourd’hui Carte d’identités, traversée du siècle nerveuse et racée comme un pur-sang du derby d’Epsom, ironique et souvent très drôle, où le coup de griffe côtoie l’hommage et l’affection, sinon l’amour, souvent à l’égard des mêmes personnes – y compris lui-même: une autobiographie en forme de souvenirs du siècle et de confessions intimes. Le genre a ses lettres de noblesse. Todd en dynamite les conventions, et quelquefois la bienséance sans jamais tomber dans l’obscénité contemporaine d’un exhibitionnisme qu’il abhorre: les êtres sont saisis dans leurs contradictions, leurs petitesses ou leurs grandeurs, et lui-même ne s’épargne guère: père souvent absent mais passionnément attaché à ses quatre enfants, mari peu idéal mais irréductiblement fidèle aux femmes qui ont traversé sa vie, amant frénétique qui n’en tire pas gloire, intellectuel qui refuse ce titre, parce qu’il en a trop vu se tromper, et tromper leurs contem porains, avec l’assurance péremptoire des idiots à concepts fâchés avec le réel. « Tout un homme, fait de tous les hommes, et qui les vaut tous, et que vaut n’importe qui », disait, dans Les Mots, un certain Sartre, qu’il a bien connu…

Le Magazine littéraire. Carte d’identités est un livre très subtilement bâti. Une construction qui révèle votre rapport assez étrange au temps et à la mémoire.
Olivier Todd. Oui, j’ai une mémoire à la fois sélective et obsessionnelle. Je voulais opérer de constants allers et retours entre le passé et le présent. Je me rends compte qu’il s’agit d’une sorte de construction en spirale. Dans la vie, rien n’est jamais fini, et la mémoire joue autant son rôle que les événements vécus ou à vivre. Au fur et à mesure que j’avançais, je parlais d’événements contemporains à la rédaction, ce que je n’avais pas prévu. La deuxième Intifada, par exemple, quand le boulet est passé si près. Cela faisait écho avec ce que j’avais vécu trente ans auparavant pendant la guerre du Kippour… Quand je dis que je ne suis pas un intellectuel, j’entends que le concret m’intéresse plus, que je préfère parler de choses vues. Cela m’a parfois coûté cher: j’ai mis huit ans avant de comprendre l’affaire du Vietnam, alors que des gens à Paris avaient saisi bien avant moi sans y être allés…

Retrouvez l’intégralité de notre numéro de janvier.
Par Bernard Fauconnier





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Le Magasine Littéraire janvier 2006



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Journal ELLE
12 septembre 2005
page 30
CLAUDE HALMOS

LA PSYCHANALYSE A BESOIN DE DÉBATS, PAS D'INJURES NI DE CALOMNIES




 La semaine dernière dans ces colonnes, l'un de ses auteurs faisait l'éloge d'un ouvrage, Le livre noir de la psychanalyse, annoncé comme un bilan critique de cette discipline.

On pourrait donc s'attendre à ce que la psychanalyste que je suis lui réponde. Je ne le ferai pas. Car j'ai — avec stupeur et indignation — découvert, en le lisant, que ce livre ne relève pas de la confrontation d'idées susceptible d'enrichir le débat, si utile dans nos professions.

C'est un assemblage de "révélations" hétéroclites (tirées pour la plupart d'articles et de livres parus — notamment aux USA — il y a dix ans). Et utilisant dans un style que ne désavouerait pas la pire des presses à scandale, l'injure et la calomnie, cet ouvrage prétend ouvrir les yeux d'un public français décrit comme particulièrement crédule.

Selon les auteurs en effet ce public serait encore (alors que le reste du monde ne le serait plus) victime d'un mouvement psychanalytique présenté comme une secte. Secte composé d'individus — les psychanalystes — aussi âpres au gain qu'incompétents et dépourvus de toute formation. Fidèles en cela à leur maître et gourou, Sigmund Freud. Lequel aurait été un "escroc", un charlatan. Un "habile publiciste" qui aurait présenté comme sienne une théorie empruntée à d'autres. Dans le but d'appâter des patients, dont seule fortune l'intéressait ; qu'il fournissait en cocaïne,
et dont — qui dit mieux ? — il détournait les héritages ...

La psychanalyse est accusée (évidemment sans aucune preuve), d'avoir, en s'opposant aux produits de substitution, causé la mort de milliers de toxicomanes ; d'avoir par le biais de Françoise Dolto, détruit la famille, etc.

" L'opération, on le voit, est aussi sérieuse que celle qui consisterait à affirmer que Pierre et Marie curie avaient subtilisé au concierge de leur immeuble la formule du radium. Ou qu'Einstein avait trouvé la théorie de la relativité dans le sac qu'il avait arraché à une vieille dame. On pourrait donc se contenter d'en rire. Je crois que l'on aurait tort. Car, pour ma part, ce livre m'a fait peur.

Je pense en effet — comme beaucoup d'autres — que le débat intellectuel suppose une rigueur, une honnêteté dans les propos et un respect de l'adversaire. Je pense qu'il se situe à l'intérieur de limites qui sont celles d'une éthique. Et qu'il est à ce titre l'une des composantes de la démocratie. On ne peut donc sans risque franchir ces limites. Et, faute sans doute d'arguments à lui opposer, s'autoriser à sonner — pour s'en débarrasser — contre l'autre l'hallali.

Ce livre est un exemple. Un exemple de ce qu'il ne faudrait jamais faire.




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Lu dans le Monde du 6 janvier 2006 :


André Green dénonce la place accordée aux disciples de Jacques Lacan dans les débats actuels


Un mythe : la psychanalyse française André Green





L’image que les médias renvoient de la psychanalyse française ne correspond en aucune manière à sa réalité. En fait, ce tableau est le résultat des efforts d’un groupe de pression qui exerce une véritable censure et propage une conception faussée de l’état de cette discipline. À la faveur d’une polémique récente, on a vu naître un mythe, la psychanalyse française, qu’on attaquait globalement. Je soutiens que la psychanalyse française est une entité inexistante ou falsifiée. Il y a en France des groupes psychanalytiques nombreux, divisés, et même parfois opposés, sur beaucoup de questions importantes. Toute prétendue unité est un amalgame douteux.

Les « millériens », lacaniens regroupés autour de Jacques-Alain Miller, appellent de leurs vœux un rassemblement qui les réadmettrait dans le giron familial. Depuis quelques années existe un groupe de contact réunissant des représentants de diverses sociétés psychanalytiques françaises, dont même certains groupes lacaniens non millériens font partie, mais les millériens n’en sont pas. L’amalgame récent a consisté à confondre psychanalyse française avec psychanalystes lacano-millériens et à entériner la désignation de J.-A. Miller comme le chef de tous les psychanalystes.

On prétend donc, depuis, que les lacaniens sont les seuls psychanalystes français qui survivent à un naufrage général. Les autres ? À la trappe. S’il en est ainsi, on ne comprend guère pourquoi Miller et ses collègues font tant d’efforts pour séduire et investir les bastions internationaux qui ne veulent pas d’eux.

Que les psychanalystes étrangers aient pris conscience de l’œuvre de Lacan en le lisant tardivement et en lui faisant sa place parmi les grands auteurs contemporains, soit. C’est ce que j’ai fait moi-même dès 1955. Mais jamais la pratique lacanienne n’a été acceptée hors des sociétés lacaniennes.

Une telle technique, qui ignore les problèmes de cadre (constantes de la pratique), qui laisse au psychanalyste un arbitraire insupportable (pratique de la scansion et des séances courtes), l’amenant à imposer au patient un mutisme systématique, à interrompre brutalement la séance sans prendre en considération son degré de régression, sa souffrance, et son analysabilité, parfois à lui faire violence au sens propre, est toujours considérée par les autres psychanalystes comme inacceptable. Certains n’ont pas hésité à la qualifier d’escroquerie.

Il existe en France au moins cinq sociétés de psychanalyse qui ont en commun de soumettre leurs membres à une formation non laxiste, optant pour des procédures d’habilitation à la fois rigoureuses et ouvertes à la critique et au changement, tout en laissant à la communication scientifique la plus grande liberté. Il leur arrive de traverser des périodes orageuses qui n’ont rien à voir avec les idées de Lacan. Elles ne sont guère prêtes à se ranger aux règles d’airain de la technique lacanienne, ni à reconnaître le moins du monde l’autorité de Miller.

Celui-ci paraît plus doué pour le militantisme et l’agitation politique que pour la psychanalyse. Le lacanisme millérien n’admet ni l’existence d’autres penseurs importants de la psychanalyse, tels Winnicott et Bion à l’étranger ni rien d’autre de ce qui se passe en France. Bouvet a pourtant construit les bases d’une clinique psychanalytique nouvelle. Grunberger a édifié une théorie originale du narcissisme. Pasche s’est efforcé d’enrichir la clinique des psychoses. Viderman a créé la notion d’espace analytique. Marty a fondé l’École psychosomatique de Paris, internationalement reconnue, Fain et Braunshweig ont élaboré des concepts nouveaux (censure de l’amante), Diatkine a théorisé la psychanalyse précoce. Citons encore Mc Dougall, Chasseguet-Smirgel, Neyraut, de M’Uzan, David, Roussillon, Donnet, C. et S. Botella, tous auteurs d’ouvrages devenus des classiques. Anzieu, Aulagnier, Fedida, Laplanche, Pontalis et Rosolato, Widlöcher, Kahn, Rolland, pour ne citer qu’eux, développent une pensée le plus souvent en rupture avec celle de Lacan. J’en oublie certainement beaucoup. On attend encore la première œuvre de psychanalyse de J.-A. Miller, qui édite, non sans contestation, les Séminaires de Lacan. Aucun travail clinique capable d’éveiller la curiosité des autres psychanalystes n’émerge du mouvement qu’il anime.

Lacan, en revanche, est enseigné dans toutes les institutions psychanalytiques qui, elles, ne pratiquent aucun ostracisme. Les institutions milléro-lacaniennes ne connaissent que les auteurs maison. En fait, ce déni systématique de l’intérêt des œuvres des autres exerce une véritable censure intellectuelle. Si quelqu’un a pu ajouter quelque chose à la théorie et dont Lacan n’a pas parlé, cela n’existe pas. Aucune référence à l’expérience des autres ne vaut contre l’omniscience de Jacques Lacan.

Les cinq sociétés que j’ai citées entretiennent des rapports cordiaux et courtois d’intérêt réciproque. Au colloque de l’Unesco que j’ai organisé en 2001 sur le travail psychanalytique, les membres de la Société psychanalytique de Paris ont dialogué de façon très riche avec ceux de l’Association psychanalytique de France, du Quatrième Groupe et même de la Société de psychanalyse freudienne (lacaniens non millériens). Cette manifestation, que certains ont qualifiée d’historique par les échanges qui s’y sont déroulés, n’a donné lieu à aucun compte rendu dans la presse.

En revanche, quand Jacques-Alain Miller rassemble ses troupes à la Mutualité,tous les médias font écho à cette manifestation de propagande tapageuse et d’autodéfense corporatiste de psychothérapeutes autoproclamés. Il réunit autour de lui Philippe Sollers, Jean-Claude Milner, Bernard-Henri Lévy, vedettes ovationnées par le public, qui pourtant ne se posent pas la moindre question sur leur qualification à se prononcer sur le problème. Au fond, il suffit de passer pour un « sujet supposé savoir » (Lacan), pour susciter le transfert. Mais, pour Freud, le transfert ne devait pas entretenir une illusion de toute-puissance qui nous ferait revenir à l’hypnose.


Les opposants à toute qualification en psychothérapie confondent indistinctement ceux qui ont simplement besoin de « parler » et qui peuvent s’adresser à qui veut bien leur prêter son oreille ou les recruter sur petites annonces le cas échéant, et ceux dont la psychothérapie est le traitement qui nécessite des soins qualifiés, dispensés par ceux dont il est indispensable de s’assurer qu’ils ont bien été formés à cette pratique. Et si l’on mettait à l’épreuve ces écouteurs autoproclamés ? On se rendrait coupable d’attitude liberticide. On a toute liberté de tuer autrui sans devoir faire les preuves de ne pas être un tueur soi-même. On objectera que je médicalise la demande. Il ne s’agit en fait nullement du rapport au médecin mais au psychanalyste. Thérapeute. Confier aveuglément sa vie psychique relève du comportement d’un adepte de secte. Selon un dicton bien connu, on peut tromper une partie des gens tout le temps, ou tous les gens une partie du temps, on ne peut pas tromper tous les gens tout le temps. Il est temps de s’informer pour voir plus clair. 





André Green, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, a été vice-président de l’Association internationale de psychanalyse et président de la Société psychanalytique de Paris 





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Le Monde

édition du 31 décembre 2006





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Débat
Où est passée la fête du Saint-Prépuce ?

Le comptage du temps n'est pas une mince affaire. Car on sait que si la Lune, avec le retour de ses jolis quartiers, a tout l'air d'une horloge, le malheur veut que le Soleil, qui préside aux saisons, n'a pas vraiment rendez-vous avec elle. L'histoire du calendrier est dès lors celle d'un bricolage, inlassablement amendé, pour tenter de mettre d'accord la Lune et le Soleil : autrement dit, pour synchroniser les semaines et les mois avec l'alternance climatique des saisons.




Si le bricolage est mauvais et qu'on se fie trop à la Lune, on finit par avoir des fraises en février — ce qui déconcerte le paysan. Les Romains tâtonnèrent longuement avant que Jules César, conseillé par l'astronome égyptien Sosigène, mît en place le calendrier dit "julien". Il a donc fallu attendre l'an 47 avant Jésus-Christ pour que nous disposions d'un instrument de mesure annuelle du temps qui permette, avec le minimum de correction cyclique — un jour ajouté à chaque quatrième année —, de récolter les myrtilles à la page de calendrier qui convient. Le mois de "juillet" conserve en son nom — Julius — le souvenir du grand oeuvre, légèrement corrigé en 1 582 sous le pape Grégoire XIII.
Accorder la durée de l'an au cours solaire des saisons était, certes, le pas le plus important, mais il avait fallu se mettre d'accord sur le moment de son début. Pour marquer celui-ci, on avait "naturellement" le choix entre la reprise printanière de la végétation (ce qui séduisit d'abord les Romains) et le retour de la lumière à partir du solstice d'hiver — moment adopté dès l'an 153 de l'ère ancienne. Il fallait enfin diviser la longueur du mois en séquences maniables.
Si les Grecs avaient la décade, empruntée aux Egyptiens, les Romains adoptèrent progressivement la semaine, bien accordée à la Lune et chère au mythe fondateur des Hébreux. Bien que le Nouvel An romain ait choisi ses marques naturelles du côté du solstice (fête du Sol invictus, "soleil invaincu"), il a pris soin de s'en démarquer en se faisant célébrer officiellement, huit jours plus tard, à la fête de Janus.
Vieille divinité des portes (janua) et des passages, Janus était fêté à chaque début du cycle mensuel. Il donnera finalement son nom au mois qui ouvre le passage de l'année tout entière, devenu ainsi Januarius, notre mois de "janvier". L'Empire romain, on le sait, s'est progressivement christianisé. Les dieux se sont éclipsés vers d'autres empyrées. Seuls quelques noms sont restés (Mercure, Vénus...), qui émaillent à notre insu les jours de la semaine. Janus aux deux visages ne faisait plus le poids, il prit la porte et fit place nette au tout début du calendrier.
Or Jésus-Christ, faute de documents, était précisément en quête du jour anniversaire de sa naissance. C'est donc tout naturellement que la culture, devenue chrétienne, choisit de fixer son Dies natalis (la Noël) au point solsticial où triomphait jadis Sol invictus. La culture cependant n'aime pas les couleurs trop "nature". La lumière qui reprend, la mise au monde d'un enfant — fût-il le divin fils d'une vierge — restent des évidences trop directement familières pour marquer avec force la coupure de l'an. Jésus, heureusement, avait eu la bonne idée de naître juif, c'est-à-dire promis à la circoncision — marque par laquelle le corps, devenu signe, échappe à toute évidence naturelle.
Dans le mythe hébreu, cette coupure est imposée par Dieu à Abraham. Gage d'inscription dans le groupe, elle va de pair avec l'histoire du sacrifice d'Isaac. Elu par Dieu, Abraham est mis à la tête d'une postérité innombrable. Dépossédé symboliquement d'un fils, charnellement orphelin d'un prépuce, il est gardé néanmoins en d'humaines limites. Des trois monothéismes, seul le chrétien s'est progressivement séparé de la circoncision. Progressivement, car les premiers disciples de Jésus sont, évidemment, des juifs, et lui-même ne s'est jamais détaché de la loi de Moïse. Il faudra tout un temps pour que prévale, chez les chrétiens, le rituel baptismal et la notion de "circoncision du coeur", rappelée par Paul de Tarse à partir du Deutéronome. Mais cette métaphore, qui rend obsolète la distinction entre circoncis et non circoncis, n'invalide en rien le vieux rite. La théologie chrétienne la plus officielle (celle, par exemple, de Thomas d'Aquin) a toujours professé que la circoncision, à elle seule, effaçait déjà le "péché originel". Cela n'a pas empêché d'occire quelques juifs. Mais au moins la filiation entre la nouvelle Alliance et l'ancienne restait-elle fortement affirmée.
La célébration de la Noël à la date du 25 décembre est attestée pour la première fois en l'an 354. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que la décision de commémorer la naissance de Jésus à la place de l'ancienne fête solsticiale, plutôt qu'au jour de Janus, n'avait rien d'innocent. Car, en toute rigueur, cela signifie que Jésus est né avant Jésus-Christ : à savoir, sept jours avant le début de l'ère chrétienne.
En d'autres termes, ce qui fait structurellement pivot entre l'ère ancienne et la nouvelle, c'est la circoncision de Jésus et non sa mise au monde par Marie. Le commencement du temps chrétien s'ombilique ainsi au coeur du plus important des rituels du judaïsme. La théologie des origines a bien senti que Dieu ne pouvait s'incarner dans le reniement. Jésus, né juif et légitimé, pour les chrétiens, par les textes prophétiques juifs, ne pouvait être soustrait, au huitième jour, au rituel le plus sacré des juifs — celui qui incarne, au prix d'une perte, l'alliance avec Dieu.
Le comptage des jours étant ce qu'il est, l'indéfini des origines vient s'articuler du même coup à celui de la fin des temps, de part et d'autre du point fixe représenté par la coupure du divin prépuce (années "avant Jésus-Christ" et années "après Jésus-Christ"). Qu'on le sache ou non ne change rien à l'affaire. Un système symbolique n'a pas besoin de permission pour nous encadrer.
Dès le VIIIe siècle, pour l'ensemble de la chrétienté, l'affaire était entendue. Au Sol invictus avait succédé la Noël, et le vieux Janus, au 1er janvier, avait laissé place à la fête "de la Circoncision et du Saint-Prépuce (sic) de Notre Seigneur". Cela du moins jusqu'au bogue théologique du 1er janvier 1970. Car, à cette date, la fête de la Circoncision passe discrètement à la trappe au profit de celle de " sainte Marie mère de Dieu"... Que s'était-il passé pour que l'Eglise catholique apostolique et romaine renonce subitement, et quasi clandestinement, à l'une de ses plus fortes marques symboliques ? En l'absence d'explication, on est bien forcé de souligner la parfaite cohérence, hélas, de la chronologie et de la pire des logiques. Tout se passe comme si, entraînée par l'esprit conciliaire, l'Eglise avait failli se réconcilier comme malgré elle avec les juifs. En mettant un bémol à l'accusation de "déicide", le concile Vatican II (1962-1965) avait fait un sort à la "perfidie judaïque" chère aux oraisons du vendredi saint. Reconnaissant sa filiation, l'Eglise romaine avait été jusqu'à appeler à un "dialogue fraternel" avec le judaïsme en reconnaissant, à la suite de Paul, "qu'elle se nourrit de la racine de l'olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l'olivier sauvage que sont les gentils" (Vatican II, 28 octobre 1965).
Au concile, des voix s'étaient élevées qui suggéraient déjà que l'on canonise Jean XXIII par acclamation (comme en ces temps où le peuple de Dieu avait le pas sur son administration). Il y avait péril en la demeure. Paul VI, avec une habilité toute vaticane, avait déjoué la manoeuvre en s'empressant d'ouvrir une procédure de béatification classique pour Jean XXIII en même temps que pour le très contesté Pie XII. C'est moins de cinq ans après la "réconciliation" conciliaire, il faut le constater, et sous le pontificat de ce même Paul VI, que la fête de la Circoncision désertait pour de bon le calendrier liturgique romain. L'impact de leur acte (digne de l'ablation de Trotski des albums staliniens) n'a pu échapper aux liturgistes professionnels qui trafiquèrent discrètement la symbolique chrétienne du Premier de l'an. Il s'agit d'une décision délibérée qui vient démentir toute bonne intention par ailleurs affichée. Car, bien que d'une grande sottise théologique, cette petite vilenie n'est pas sans portée. Il n'y va de rien de moins que d'une mutilation généalogique. D'un parricide symbolique. D'un désaveu de filiation. L'identité catholique est-elle à ce point vacillante qu'elle ne peut se passer du reniement ?


Francis Martens, anthropologue de formation, enseigne en troisième cycle de psychanalyse à l'Université catholique de Louvain (UCL), en Belgique.

FRANCIS MARTENS





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LA CHRONIQUE DE CYNTHIA FLEURY
Sujet(s)

 

Ceux qui lisent régulièrement cette chronique sont désormais habitués à m’y voir citer les noms de l’université Saint-Joseph, de la faculté des sciences religieuses et de son doyen, le père Louis Boisset. Étant de nouveau et rituellement dans ses murs, j’en profite pour lire les dernières publications des Presses de l’université Saint-Joseph. En découvrant leur dernière parution, la Psychanalyse dans le monde arabe et islamique, qui renvoie au colloque éponyme tenu en mai 2005 à Beyrouth, en présence notamment de Samir Kassir (qui depuis a succombé à l’attentat qui le visait), la tristesse est là. Chawki Azouri, qui dirige, avec Élisabeth Roudinesco, ce volume, lui dédie l’ouvrage : « Du sang et des larmes », tel est le tribut de ceux qui croient en la liberté. Et Samir Kassir savait bien que la « rébellion subjective », à laquelle convie également la psychanalyse, représente pour « toutes les formes de totalitarisme » un danger à éliminer.
Dans sa dernière intervention, « Individu et lumières dans le monde arabe contemporain », Samir Kassir pose deux conditions pour l’émergence d’une citoyenneté garante de la démocratie : première chose à inscrire sur l’agenda islamique, la « réforme de l’islam ». On ne peut, dit-il, « laisser le domaine de la religion en jachère », il faut retrouver l’esprit de la réforme religieuse. C’est sans doute là l’unique façon de désacraliser les dogmes sans pour autant cesser le travail herméneutique. Seconde condition, « assumer l’hybridité », « le mélange comme garantie que l’individu ne se réduit pas à une seule de ses dimensions ».
De son côté, Fethi Benslama revient sur l’un des grands poncifs européocentristes qui consiste à penser que l’islam est un pur système holiste, étranger à la question du sujet. C’est confondre « individualisme » et « individuation », « idéologie du moi » et « processus de subjectivation » ! En arabe, deux termes peuvent renvoyer au sujet : « mawdhû’ » et « ’abd ». Le premier désigne les notions de substance, de substrat. Le second désigne certes « celui qui se soumet » mais d’abord « l’adorant » ; puis celui qui fait un effort, qui nie ou refuse ; puis encore, celui qui se repent ; enfin celui qui considère une chose ou une personne comme précieuse. Ainsi, nous voyons, nous dit Fethi Benslama, « par-delà la richesse sémantique du ’abd » apparaître la « coexistence des contraires » : « se mettre au service d’une cause et simultanément se révolter, accepter une charge et refuser, affirmer et nier. Nous sommes proches en cela de la signification de sujet en français, qui recèle la double dimension de la passivité et de l’activité. Le sujet en arabe est le lieu de la contradiction. »
L’occasion alors pour Fethi Benslama de rappeler la définition du sujet selon le philosophe Jurjânî (XVe siècle) : le sujet est d’abord celui « qui rompt la relation d’amour à soi-même ». Pour Jurjânî, la subjectivité est fondée sur un « pacte symbolique » dont voici les termes : « La fidélité aux engagements, la préservation des limites, le consentement à l’existence, la résignation devant le manque. » Nier qu’il existe ici une véritable doctrine du sujet serait bien ridicule. Et que dire encore d’un Ibn Arabi qui a su concevoir un sujet dont le « centre de gravité est le désir de l’autre, en tant que ce désir échappe à la conscience ». Voilà de quoi combler tous les psychanalystes.
Théorie du sujet donc. Théorie du visage aussi. Dans un passage des Illuminations mecquoises, Ibn Arabi écrit : « Nos visages sont orientés et aimantés par le point d’origine océanique car de cette origine nous provenons, et de ce fait nous ne pouvons accueillir par nos visages qu’elle... et l’affaire se répète, de sorte qu’il est nécessaire que notre arrière soit ce qui nous environne... le monde est entre l’origine et l’environnement océanique. » En somme, un sujet non pas de l’insularité mais de l’océanique... C’est peut-être cela la différence entre les conceptions occidentale et orientale. Et Fethi Benslama d’expliquer le « caractère isthmique du visage humain », « émergence entre deux infinis », « ponctuation et punctum du fini dans l’infini dont il témoigne à travers sa finitude même ». Voilà de quoi combler tous les philosophes, lévinassiens ou pas : un sujet, sans lieu propre, pris (au piège ?) entre le « commencement infini » et « l’infinie fin » ; un sujet de l’entre-deux, ou encore, selon l’expression de Fethi Benslama, de « l’entre-Dieu ». Qui a dit qu’il n’y avait pas de théorie du sujet en islam ?





paru dans

L'huamnité




Subjectivités 2004



Subjectivités 2005



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Philosophie oui, mais qui concerne pourtant tellement la psychanalyse...
À propos d'un livre, l'Envers du visible. Essai sur l'ombre. Dont l'auteur de l'article ci-dessous, dit : "Un ouvrage (1) d'une rare intelligence, qui mobilise la philosophie, la mythologie, l'ethnologie, la philologie, l'esthétique de la peinture et du cinéma, la littérature ou la mystique, et qui va assurément à «contre-courant», en «jetant une ombre», pourrait-on dire, sur la tyrannie du visible caractérisant notre époque, et sur tous les éloges de la «visibilité»." La psychanalyse n'est pas nommée, mais nous espérons que ceux qu'elle occupe ou préoccupe se sentiront concernés pas le sujet... !




Livres
Philosophie?L'ombre de soi-même

?Propice à tous les coups bas, l'ombre a mauvaise réputation. Une étude en clair-obscur d'un phénomène sans lequel la lumière ne serait qu'aveuglante.

Par Robert MAGGIORI jeudi 15 décembre 2005
(1) On rappellera celui de Victor Stoichita, «Brève histoire de l'ombre», publié chez Droz (Genève) en 2000.??Max Milner?L'Envers du visible. Essai sur l'ombre ?Seuil, 448 pp., 26 €.?
ors celle de la tonnelle ou du pommier, protégeant le hamac et la chaise longue l'été, l'ombre, comme tout ce qui porte la marque de l'obscur, a quelque chose d'infernal, de pernicieux et de maléfique. Certes, elle apparaît comme une miséricorde au voyageur exténué par les brûlures du soleil ou à l'homme traqué par ses ennemis. Mais, en général, elle est la complice des mauvais coups. C'est l'ombre que les voleurs et les assassins attendent patiemment, c'est dans l'ombre que les grenouilles grenouillent, que les comploteurs complotent et que les esprits vengeurs des morts se préparent à venir tirer les cheveux des vivants.
On est un peu benêt si on lâche la proie pour l'ombre, bien triste si on a une ombre sur le visage, reconnu coupable si on est mis à l'ombre, couard si on a peur de son ombre, détruit par la vie si on n'est plus que l'ombre de soi-même. La pensée occidentale place toujours le Bien, le Vrai et le Beau en «haut» du monde et en pleine lumière, laissant le Mal et l'Erreur proliférer dans l'obscurité, les zones interlopes et sans frontières du «bas», de l'immonde, les forêts obscures et les cavernes, les antres et les abysses. La connaissance est élévation vers la lumière, l'ombre son obstacle, son illusion et son handicap, l'irréductible «problème» qui l'empêche de «faire toute la clarté». N'est-elle donc jamais bienfaisante, productive, créatrice ?
C'est à une très éclairante plongée dans les royaumes des ténèbres qu'invite Max Milner, professeur émérite de l'université de Paris-III, dans l'Envers du visible. Essai sur l'ombre. Un ouvrage (1) d'une rare intelligence, qui mobilise la philosophie, la mythologie, l'ethnologie, la philologie, l'esthétique de la peinture et du cinéma, la littérature ou la mystique, et qui va assurément à «contre-courant», en «jetant une ombre», pourrait-on dire, sur la tyrannie du visible caractérisant notre époque, et sur tous les éloges de la «visibilité».
L'ombre, comme le dit le grec skia ­ qu'on retrouve par exemple dans skiascopie, l'examen de l'ombre pupillaire fait pour déterminer le degré de réfraction de l'oeil ­, est d'abord la sombre projection d'un corps éclairé, et, par métaphore, ce qui d'un être vivant se projette dans l'au-delà, à savoir «le fantôme impalpable des défunts». Ce n'est qu'en latin que le terme umbra étend son sens et finit par désigner l'obscurité elle-même, antonyme de la lumière, puis une «quasi-substance», comme un «voile enveloppant», une «nuée opaque», une «atmosphère insidieuse annulant les contours et les couleurs», et donc susceptible de créer des leurres et des faux-semblants.
«La chose noire qui accompagne assidûment notre corps pendant notre existence terrestre» regroupe toutes ces significations : elle est une projection, qui se raccourcit à midi et s'allonge au soleil couchant mais reste «collante» et a cette «fidélité de chien» que Merleau-Ponty attribuait au miel dont la cuiller ne peut se débarrasser, mais également un «double», particulièrement apte à représenter la «survie fantomatique dans le monde obscur de l'au-delà», ou un «décalque de soi», évanescent, fragile et inquiétant, sinon capable de se vendre à quelque diable pour accéder à une vie autonome.
Dans certaines traditions, marcher sur l'ombre de quelqu'un est un délit, parce que la personne à qui elle appartient «tombera malade» ; si on la frappe ou on la «perce», son propriétaire «sentira la blessure comme si son corps à lui la recevait». «Dans l'une des îles Banks, en Mélanésie, se trouvent des pierres allongées, qui sont censées contenir des ombres très dangereuses : il suffit que l'ombre d'un être humain tombe sur l'une d'elles pour que la vie de celui-ci soit aspirée par l'ombre tapie dans la pierre.» Il faut donc veiller à ne pas la laisser traîner n'importe où, «surtout pas, selon les Chinois, sur le cercueil dans lequel on va enfermer un mort, ou trop au bord de la fosse dans laquelle il va être enseveli : elle risque de ne pas en ressortir». La plus difficile à «tenir en garde», est évidemment l'Ombre lovée au fond de soi-même, c'est-à-dire, dans la psychanalyse de Jung, celle «d'où émanent tous nos désirs réprimés par la morale et par la vie en société, et dont la non-intégration à la totalité de la personne est susceptible de causer les pires désastres psychiques».
On ne peut ici, d'un livre si riche, qu'extraire ces quelques apostilles. A le lire, se réalise comme une «accommodation» de l'oeil, qui perçoit dès lors dans le clair-obscur et la ténèbre ce qu'une lumière trop éclatante interdit de voir. Nicolas de Cues, saint Jean de la Croix, Dante, Léonard de Vinci, Rembrandt et Georges de La Tour, le Caravage, Rousseau, Goya, Novalis, Hofmannsthal, Hugo, Chamisso, Andersen, Péguy, Blanchot, Borgès, Jaccotet, Tanizaki, Levinas, Robert Wiene, Dreyer et Murnau : Max Milner s'entoure de nombreux guides pour apprendre à «voir dans le noir». Il ne préconise évidemment pas que, contrairement à ce que voulait Platon, le philosophe ­ mais aussi bien l'artiste ou l'écrivain ­ détourne les yeux de la lumière des Essences pour redescendre dans la caverne et retrouver les ombres trompeuses. Il supplie de respecter les ombres et «ne pas demeurer sourds au message qu'elles nous apportent». La certitude de posséder la vérité et de pouvoir la regarder en face apporte fanatisme et violence. Aussi ne faut-il pas chasser d'un geste hautain le «nuage d'inconnaissance» que forment les ombres. Il se pourrait qu'en leur coeur le plus sombre il y ait des «réserves de sens».



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Libération

daté du 12 janvier 2006




Subjectivités 2004



Subjectivités 2005



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La concertation autour du statut de psychothérapeute est engagée



Le ministère de la santé relance le projet de réglementation de l'usage du titre de psychothérapeute. La direction générale de la santé a réuni, mardi 10 janvier, une vingtaine d'associations représentant des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes et des psychothérapeutes pour leur soumettre un avant-projet de décret d'application de l'article 52 de la loi du 13 août 2004.


Deux ans après le début de la polémique qui avait suivi l'amendement Accoyer, le ministère propose de soumettre tout professionnel souhaitant user du titre de psychothérapeute à l'obligation d'obtenir un nouveau master de psychopathologie clinique, qui devra respecter la "diversité" des écoles de pensée. Cet axe de travail, qui suscite des réserves parmi les professionnels, sera soumis à concertation jusqu'au 21 février, date d'une nouvelle rencontre entre la direction générale de la santé et les organisations professionnelles concernées.
L'amendement Accoyer, du nom de l'actuel président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, visait à réglementer l'usage du titre de psychothérapeute, au motif que cette pratique, actuellement utilisée par des milliers de professionnels selon des approches cliniques très différentes, ouvrirait la voie au charlatanisme. Après des mois d'âpres discussions entre opposants et partisans d'une réglementation, défenseurs de la spécificité de la psychanalyse et militants de l'évaluation scientifique dans le domaine de la santé mentale, le Parlement avait adopté une version finale de l'amendement. Un registre national des psychothérapeutes, dans lequel sont inscrits "de droit" médecins, psychologues et psychanalystes, était créé. Le texte précisait aussi qu'une formation minimale en psychopathologie clinique serait requise pour se prévaloir du titre de psychothérapeute.
Faisant une interprétation stricte du texte de loi, le ministère de la santé a décidé, dans son avant-projet de décret, que tous les professionnels souhaitant se prévaloir du titre de psychothérapeute devront se soumettre à cette formation, y compris les psychanalystes, qui pensaient pouvoir en être exemptés. Surtout, le ministère définit les grandes lignes du cahier des charges de ce nouveau diplôme, de niveau master. Cette formation viserait notamment à permettre aux futurs psychothérapeutes d'acquérir "une connaissance de la diversité des théories se rapportant à la psychopathologie et une connaissance des quatre principales approches de psychothérapie validées scientifiquement (analytique, systémique, cognitivo-comportementaliste, intégrative)".

"DÉVALORISATION DU TITRE"

Dans le contexte de guerre ouverte que se livre, depuis quelques mois, psychanalystes et thérapeutes cognitivo-comportementalistes, cette formulation a fait bondir des participants à la concertation. Président du Séminaire inter-universitaire européen d'enseignement et de recherche en psychopathologie et psychanalyse (Siueerpp), Roland Gori estime que "les pouvoirs publics prennent parti dans un débat épistémologique". "Alors que la psychanalyse a toujours constitué la référence de base des études de psychopathologie clinique, il s'agit, aujourd'hui, de la disqualifier au profit de l'instauration d'une psychothérapie d'Etat", s'insurge l'universitaire.
Bien que le ministère de la santé s'en défende, des organisations estiment que le projet revient à créer un nouveau corps de professionnels de la santé mentale. "Vu la pénurie annoncée de psychiatres, on va assister à un transfert de compétences vers ce nouveau diplôme, et on aboutira à une dévalorisation du titre de psychothérapeute, avec des praticiens peu ou mal formés", fait valoir Lilia Mahjoub, représentante de l'Ecole de la cause freudienne (ECF). "Cela revient à créer officiellement la profession de psychothérapeute, mais pas sur les bases que nous avons souhaitées, explique Michel Meignant, de la Fédération française de psychothérapie. Ces nouveaux praticiens n'auront pas même fait d'analyse personnelle, ce qui constitue pour nous la garantie minimale pour le patient pris en charge."

Cécile Prieur




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Le Monde

daté du 12 janvier 2006



Subjectivités 2004



Subjectivités 2005



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Nouvelle bataille contre l'Etat pour la planète psy



Hier, la loi sur l'usage du titre de psychothérapeute ne faisait pas l'unanimité.
Par Eric FAVEREAU mercredi 11 janvier 2006

Et c'est reparti. Les uns contre les autres, certains analystes contre certains psychothérapeutes, freudiens contre lacaniens, partisans des thérapies comportementales cognitives (TCC) contre psys relationnelles. Hier, pour la première fois de leur histoire, le ministère de la Santé a pourtant réuni toutes les composantes de la planète psy en France ­ soit près d'une cinquantaine de personnes ­, venues pour recevoir une première version des décrets très attendus de la loi, votée en 2005, qui entendait réglementer l'usage du titre de psychothérapeute. La réunion s'est tenue sous la présidence d'un responsable de la Direction générale de la santé. Le ministre, Xavier Bertrand, était absent, se souvenant peut-être des très méchantes polémiques qui ont entouré ce qu'on a appelé l'amendement Accoyer puis Mattei. Résultat ? C'est

21/12/2007
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