Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Anorexie et publicité Conclusion

Anorexie et publicité - Le photographe, la jeune fille et la marque: une affaire de goût?

 

L'après coût dans l’après coup (d’une exhibition)
Réflexion en trois actes



En conclusion quelques questions…



À quelle faim (publicitaire) l'exploitation d'une certaine douleur répond--elle?
Quel appétit (commercial) l'exploitation (publicitaire) de cette douleur excite-t-elle?

L’anorexie étant un sujet sensible – tout à la fois épineux et délicat – la publicité laisse ici un goût amer et on se demande en quoi elle peut participer à rendre celui de vivre à ceux - jeunes et moins jeunes - dont le désir a été mis à mal au point que chaque jour c’est leur vie qu’ils mettent en jeu en flirtant avec la mort comme pour mieux l'éviter.

Que cette campagne dégoûte de l'anorexie ceux qui en sont déjà dégoûtés est probable. Mais quel impact peut-elle avoir sur ceux quelle tente?

Quel crédit apporter à ceux qui se nourrissent de l'exploitation d'une jeune fille, sans prendre en compte la fragilité même qui la fait se mettre en danger ?

Pas plus qu’il ne peut suffire de dire : « regardez comme je vais mal, comme elle va mal pour permettre d’aller bien », il ne suffit d’exhiber un squelette vivant pour se débarrasser d'un passé mortifère. Ni de dire non à l'anorexie et oui à une marque de vêtements pour éradiquer la première.

« L'anorexie ou comment s'en débarrasser" pourrait être le sous-titre de cette campagne qui agresse le public au risque de lui donner envie de bazarder cette cause, de la refouler, de l’enterrer- plutôt que de proposer des moyens d’agir en sa faveur.
Se débarrasser de la souffrance n'a jamais permis de résoudre ce qui la motive.
Contestons le bien fondé de cette campagne. Et la capacité de ses protagonistes à agir en conformité avec leurs prétendues bonnes intentions.

La campagne utilise en toute conscience des clichés qui mobilisent l'émotionnel et l'affectif: pour mieux chatouiller les cordes sensibles et titiller la culpabilité, elle trafique avec la douleur en la plaçant hors contexte, tout en plongeant le spectateur dans un mal être qui lui interdit toute pensée.
Et tandis que la référence aux camps voisine celle de la famine et que la désolation flirte avec l’exhibition, la détresse sert à financer les protagonistes !

À chacun la complexité et la singularité de son histoire. Le goût de vivre se peut se passer pour renaître d’une attention bienveillante dans un cadre protégé tandis que le choc publicitaire peut prendre valeur de traumatisme.
Ne mêlons pas le superficiel et les profondeurs. Cessons de brouiller les messages.
Et constatons que cette campagne est d’abord une affaire de goût… Celui-là même qu’il s’agit d’autoriser de raviver aimablement … dans sa subjectivité quand il disparaît.

Paradoxalement, la diffusion sur le net de cette campagne force par bonheur la réflexion. Mais ce n’est pas une raison pour blâmer le BVP

À qui profite l’anorexie ?
Disons que prisonnière d'un mal de vivre incommensurable la jeune fille aspire à en sortir. Une occasion s'est proposée à elle. Puisse cette occasion lui permettre de se réaliser en corps un peu...
Espérons qu'elle entende en retour qu'il lui faut d'abord se donner les moyens de servir sa cause avant de penser servir une cause. Sa fragilité est peu convaincante quand au bienfait de ses actes. Si celui-ci lui a permis de gagner un peu sa vie, il n'y a pas de honte à cela.
Le sujet de l'anorexie est celui qui ne peut se dire sinon autrement. En cela on ne saurait porter grief à cette jeune fille d'avoir participer à … ce jeu.... à ce je ne suis pas , à ce jeûne suis pas à pas...à ce jeune suis pas… à ce je ne suis pas .... à ce je ne sais pas ….

Dans l’après-coup cette campagne publicitaire lui permettra-t-elle d’exister autrement qu’autrement…?

Toscani et la marque qui a lancé cette campagne publicitaire en manipulant la cause de l'anorexie ont-ils réservé - pour la cause qu'ils prétendent soutenir - une partie de l'argent que l'anorexie leur aura permis de gagner - pour aider à faire entendre – en termes autres que mercantiles - ce qui nous cause sous ce symptôme ?




 La place publique n'est pas celle de l'intime.



Sortie du cadre de la sphère privée, l'intime prend un caractère d'obscénité ... publique . L'anorexie étant de l'ordre de l'intime, la pénombre, la chaleur, la réserve lui sont nécessaire pour déchiffrer le symptôme. La porter sur la place publique, comme jadis certaines exécutions, fait courir le risque d’amplifier le sentiment d’incompréhension qu’elle suscite chez tout un chaque un.
La distorsion patente entre le propos prétexté de la campagne et la réalité de l'acte publicitaire considéré dans sa gravité met mal à l’aise. L'étalage de la douleur ne permet pas d'en venir à bout. De même qu’avec André Gide on sait que les bons sentiments ne font pas la bonne littérature, on a envie d’affirmer – a priori – que le prétexte des bons sentiments ne garantit pas la probité de l'acte de ceux qui derrière eux se protègent.

SI la psychanalyse invite à la responsabilité elle sait aussi que la responsabilité ne s'impose pas mais s'acquiert progressivement... C'est un long et lent apprentissage qui ne peut se faire dans l'étalage.




Virginie Megglé
Octobre 2007



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