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IHEP

INSTITUT DES HAUTES ETUDES EN PSYCHANALYSE

Sous la Présidence de René Major
Intersection Psychanalyse/politique

Séminaire de psychanalyse

La séance continue…

La psychanalyse avait déjà connu ses années brunes, elle vient de connaître une année noire. Rien, absolument rien, ne sera venu l’épargner en cette année 2004 : compromission des institutions analytiques — celle du groupe dit de contact, tout au moins — assimilant la pratique psychanalytique à une psychothérapie comme en 1927 Jones aurait été tenté de le faire si Freud n'avait usé de son autorité. Puis divers projets législatifs et vote d’une loi sur fond de démoralisation générale malgré plus de mille signatures sur les pétitions du Manifeste pour la psychanalyse et sur celle du Front du refus. Puis hélas, et encore, tout dernièrement… disparition de Jacques Derrida, l’un des amis les plus « redoutables » de la psychanalyse. Tous ces événements laisseront des traces, dans les années qui viennent, pour la pratique et la pensée psychanalytiques.

Ce qui est visé dans ces dispositions législatives n’est pas seulement la disparition de la psychanalyse comme « science » au sens épistémique. Ce qui est visé, c’est le public, le grand public, le « gros public » comme disait Maupassant. Ce public devant être convaincu d’une certitude de guérison des souffrances à vivre par des « thérapeutes » dignement formés à photographier, radiographier, calibrer, évaluer, formater, conditionner le sujet pensant, parlant, désirant, souffrant. Ce qui est visé, c’est le sujet du politique qui, vidé de son être propre, ne pourra plus avoir aucune velléité subversive, aucun état d’âme, aucune dimension jouissante. Ce qui est visé, c’est l’avènement d’un sujet « bio technique », fiché, surveillé, évalué, visualisé, réglementé, normé qui pourra toujours trouver une réponse adaptative au surgissement du moindre « trouble psychique ».

A se compromettre, même passivement, à ce « drôle de projet » (comme on décrivait, il n’y a pas si longtemps, cette “ drôle de guerre “) d’une psychanalyse « psychothérapeutique » dont l’exercice serait, lui aussi, réglementé par l’Etat, c’est oublier les positions de Freud maintes fois affirmées sur ce même sujet, soit : — l’impossibilité pour la psychanalyse de se satisfaire, dans l’ordre du pouvoir, d’une légitimité instituée,
— la nécessité, dans l’ordre du savoir théorique, de se constituer son propre corpus de références,
— et, enfin, dans l’ordre de sa formation pratique, la réaffirmation que celle-ci ne saurait se fonder que sur des méthodes de transmission qui lui sont propres.
C’est oublier, comme l’écrit Anne-Lise Stern, que la théorie psychanalytique est venue à temps et non pas bien sûr par hasard au moment de l’entrée en jeu de la science dans le quotidien de chacun. C’est oublier la position de Jacques Lacan en février 1966 à la Salpétrière qui affirmait que « c’est dans le registre du mode de réponse à la demande du malade qu’est la chance de survie de la position proprement médicale et que cette demande ne saurait être réduite à celle de la guérison… ». C’est oublier que la psychanalyse est l'art de bousculer l’ordre des choses. Si de nos jours l’ordre des choses est de vouloir “guérir“ l’âme comme on “guérit” déjà le corps, si cette volonté devient un impératif, une obligation, un diktat culturel, une religion, l’homme, le citoyen, le sujet dans son intégralité est menacé en son essence même, soit, comme disait Derrida, dans sa possibilité à jouir, dans sa jouissance à souffrir, à se laisser ou à se faire souffrir, soi-même, l’autre comme autre, l’autre et les autres en soi. Il faudrait alors, dans cette éventualité qui se profile sous nos yeux, que les psychanalystes se mettent à attendre, à espérer, et, pourquoi pas, à se promettre quelque chose du vivant dans l’exercice de leur pratique comme résistance à la résistance à l’inconscient qui agit, qui s’officialise, qui se nomenclature par l’ordre du soin, à l’ordre du jour, d’une société normalisée.

Il faudrait qu’ils se promettent que, quoiqu’il arrive, aujourd’hui, demain, dans l’à-venir : la séance continue.

Francis Capron


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Le séminaire aura lieu les samedis 13 novembre, 11 décembre 2004, les 15 janvier, 26 février, 26 mars, 30 avril, 28 mai et 18 juin 2005 de 15h à 17h30 à L’université François Rabelais, Site Fromont, Rue Fromont, salle 6, 37000 Tours.

Inscription individuelle : 100 euros. Étudiants (27 ans au plus) : 50 euros
Formation permanente : 300 euros

On s’inscrit en téléphonant à Francis Capron. 0247669073.

08/12/2004
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