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Thérapies comportementales et psychanalyse

Cette réflexion que Didier Kuntz nous propose en réaction à certaines effets d'une opposition entre partisans de la psychanalyse et défenseurs des tcc qui - cahin caha - avait fini par mener à une sorte d'appel à la délation pour prouver le pire de l'autre ...
Cet argument dénonçant la politique du bouc émissaire, nous ne pouvons que l'appouver et le proposer à la réflexion de qui s'interroge sur le sujet...
Que le débat soit humainement envisageable est une autre chose...



D’un seul usage possible du témoignage

14/03/05

Au moment où plusieurs appellent aux témoignages, je vois un tournant au débat et je pense qu’il est temps d’infliger à tous la proposition d’une réorientation de toute espèce de pensée stratégique en la déclarant purement et simplement non psychanalytique, je dis cela m’appuyant sur Freud, Dolto, et Lacan, qui ont tous conclu l’impossibilité d’une quelconque stratégie autre que celle imposée par le déroulement de ce qui se pose, et au possible d’une et une seule tactique, à recevoir de ce qui s’énonce.


Je pars disons d’une conviction ou d’un constat différent ; qui est que chacun pourra alimenter le débat de son propre témoignage, qu’à confronter les linges sales des tcc et ceux des psychanalyses, chacun de son côté, l’on ne convaincra personne, non seulement, mais qu’en plus de cela ça va se cantonner dans la dénonciation d’un paquet de personnes au lieu de la dénonciation d’individus, et j’ai beau chercher je ne vois vraiment pas ce que cela a de plus ragoûtant, et de plus utile. Contre-performant, à tous les coups.

À quoi bon se plonger dans ces discours d’exclusion, de nommer chacun son bouc émissaire ? Et que signifie seulement hélas qu’on en éprouve le besoin ?

Chacun l’aura compris, je n’ai pas la moindre sympathie pour les théories comportementalistes, pour des raisons qui ne sont qu’idéologiques, il faut bien le dire ; mais ce n’est pas ce qui emporte pour ma part le choix d’un autre champ théorique ; ce qui emporte le morceau de ce côté -à, qui est si l’on veut celui de la rigueur scientifique, c’est que depuis trente quatre ans qu’une ouverture s’est faite en moi aux questions de la clinique, après tout ce temps passé à lire et à relire dans tous les champs d’investigation de la clinique, je ne vois pas où les comportementalistes répondent aux critiques qui leur proviennent du champ freudien ; je veux bien m’accorder avec eux pour faire le constat que ce champ est plutôt bringuezinque, qu’il ressemble plus à une foire qu’à une élaboration scientifique, que l’on ne peut qu’y confronter les élaborations qui ont été tentées par différents auteurs à différentes périodes, avec chacune un apport bien faible à ajouter aux tentatives freudiennes, mais le fait est là qu’il y a des formations de l’inconscient, dont on peut tenter de rendre compte, et des pratiques que l’on peut parfois qualifier de psychanalytiques sans tomber dans le ridicule du piétisme de l’assentiment. Cette critique que nous envoient les comportementalistes, elle est à prendre au sérieux, nous avons à en répondre, d’ailleurs le train est en marche.

Par contre les comportementalistes pourraient peut-être tenter d’entendre ce qui se dit du côté du champ freudien, ces mises en demeure de s’expliquer sur le contenu idéologique de la science qu’ils promeuvent ; j’ai été assez loin dans l’accusation, qu’ils comprennent que les sursauts indignés ne sont en rien une attitude scientifique, alors que mon argumentation repose sur des thèses tout à fait solides et établies, celles de Gérard Miller entre autres; renoncer à s’y confronter revient à fuir devant l’outil de l’analyse linguistique ; le refus de ces thèses est acceptable s’il est argumenté, la fuite est pis-aller qui ne convaincra personne. Si les psychanalystes, dans leur ensemble, s’accordent pour voir dans les découvertes de l’éthologie le fameux imaginaire de Lacan, ce qui est évident et visible presque à chaque page des Écrits, il se trouve qu’ils ne se contentent pas de cet outil dans leur acte, il y a là aussi de solides raisons, argumentées, jusqu’à la formation du triploïde borroméen. J’espère que je ne parle pas chinois aux comportementalistes, l’étude du comportement ne pouvant plus guère se passer de l’étude de l’élaboration de Lacan à partir du schéma de Bouasse et de ce qui s’ensuit.

J’ai donc de raisons autres qu’idéologiques à manier la psychanalyse plutôt que toute autre méthode ou technique.

Je veux bien encore que l’être humain ne soit qu’une entité philosophico-littéraire, aux yeux des comportementalistes ; mais à cette critique je leur dis : si vous laissez tomber l’être humain sous prétexte de science, pour ne vous occuper que de ce qui est relatif à son animalité, vous ne faites pas œuvre de science, vous faites œuvre de négationnisme, à y réfléchir il vous faudra bien l’admettre : traitez l’homme comme un animal sous le prétexte qu’il en est un aussi, c’est promouvoir l’idée fausse que la culture, au sens freudien du terme, ne produit pas de malaise, et que somme toute il n’y aurait que du corps que l’on puisse souffrir, de l’adaptation du corps à la société, qui elle serait bonne… Je n’insiste pas, vous ayant pointé votre rousseauïsme, j’irai même jusqu’à dire votre candeur, si les psychanalystes ne la partageaient pas souvent dans leurs explosions haineuses, tout à fait douteuses au demeurant, lorsqu’ils parlent de vous.

Vous pouvez, vous les comportementalistes, penser que nous ignorons vos travaux, soyez assurés que pour la plupart des psychanalystes c’est très loin d’être le cas ; montrez-leur que vous avez suffisamment étudié ce qu’ils disent pour qu’un échange soit possible, et nous verrons bien qui sera convaincu de quoi par qui à la fin du débat. Si vous prétendez aménager un possible pour un débat scientifique s’élevant à l’interprétation des chiffres sur lesquels vous vous appuyez, vous trouverez des gens capables de vous répondre soigneusement et sérieusement, il y en a même pour lesquels ce possible est au principe de la construction psychanalytique.

Il nous faut sortir de cette fausse naïveté qui considère l’effet médiatique des témoignages, et cherche la démonstration de force, quand la question doit être scientifiquement posée.

Et ce n’est pas celle de la valeur de la psychanalyse.

Et contrairement à tout ce qui est venu se fourguer dans ce débat biaisé du titre et de l’habilitation, il n’est simplement pas question d’habilitation du psychanalyste mais de la nécessaire réhabilitation de la psychanalyse, à partir du point où Serge Moscovici l’a laissée, en 1961. Voilà l’enjeu.

La réhabilitation des thérapies d’inspiration comportementaliste ne se fera peut-être d’elle-même que le jour où les uns et les autres voudront bien ne pas se laisser aller en deça de la possibilité d’un débat. Lorsque le débat aura eu lieu, nous verrons bien à qui nous pourrons accorder le bénéfice d’être resté dans les voies de la raison sans déroger à l’ouverture au débat. Que chacun se demande donc ce qu’il a à perdre, sachant qu’il l’a déjà perdu, d’emblée, à refuser de le mettre dans le jeu d’un dialogue qui ne soit pas de sourds : les uns, la langue ; les autres, hélas, les oreilles.

Et certains, malheureusement, les deux ; irai-je dire qu’ils s’en aveuglent ?

Didier Kuntz





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