Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Lettre de B. Accoyer et J.-M. Dubernard à D. de Villepin

Ci-dessous, une lettre que Bernard Accoyer a adressée avec Jean-Michel Dubernard au Premier Ministre pour accélérer la règlementation des psychothérapies.
À lire le contenu, à découvrir une fois de plus les arguments à l'appui de la prétendue urgence à réglementer ce domaine, on se dit que, plutôt que d'une "avancée considérable", il semble ici que l'on a à faire à une régression lamentable à la faveur d'une ignorance délibérée de ce que l'on s'acharne à légiférer selon des critères qui n'ont rien à voir avec l'objet considéré .






Titre de psychothérapeute et décret
Bernard Accoyer et Jean-Michel Dubernard - 24/12/2006
Paris, le 13 décembre 2006


Monsieur le Premier ministre,
La discussion au Parlement de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a permis l'adoption, à partir d'une initiative parlementaire, de son article 52 concernant l'usage du titre de psychothérapeute.
Cet article 52, résultat d'un débat et d'une concertation très approfondis au cours des différentes navettes parlementaires, constitue une avancée considérable afin de protéger et d'informer clairement les usagers, personnes en souffrance psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies, sur la compétence et le sérieux de ceux à qui ils se confient. Il s'agit là d'une responsabilité qui revient à l'Etat.
L'article 52 vient, en effet, combler un vide juridique permettant à tout un chacun, dans notre pays, de s'autoproclamer psychothérapeute, de visser sa plaque et d'être alors en situation de répondre, sans aucune garantie de formation ni de compétence, à des sollicitations de personnes par définition fragiles courant le risque de voir leur détresse ou leur maladie aggravées, et souvent, hélas d'être abusées.
L'adoption de l'article 52 a d'ailleurs été saluée par de nombreuses organisations professionnelles du champ sanitaire, psychiatrique et psychologique ainsi que par les associations de victimes. En effet, l'immense majorité des professionnels compétents s'accorde sur la nécessité de sécuriser la conduite des psychothérapies, le droit à l'information des usagers et la sécurité des soins.
Pourtant, à ce jour, plus de vingt-neuf mois après la promulgation de la loi du 9 août 2004, le décret d'application de l'article 52 n'a toujours pas été publié. Cette carence incompréhensible a pour conséquence d'augmenter chaque jour, un peu plus, le nombre des victimes.
Il semble que, de consultations interministérielles sans fin, se poursuivant encore ces jours-ci, en pressions de la part d'organisations peu représentatives, mues, la plupart du temps, par la préservation d'intérêts souvent financiers ou sectaires, le projet de décret se soit enlisé dans les méandres de la procédure administrative.
Nous connaissons malheureusement l'influence de cette mouvance où les pressions et manipulations constituent des pratiques habituelles.
Ainsi, saisis par les professionnels compétents qualifiés, par de nombreuses victimes et leurs familles, nous vous demandons, Monsieur le Premier ministre, de veiller à ce que la promulgation du décret d'application de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 puisse intervenir non seulement au plus vite, mais également et surtout dans le respect des garanties voulues par le législateur.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, à l'assurance de notre haute considération.
Bernard Accoyer?Président du Groupe UMP de l'Assemblée nationale?Jean-Michel Dubernard?Président de la Commission des Affaires Culturelles, familiales et Sociales









Quelques perles et commentaires:

- "concertation très approfondis": sic

- "de protéger et d'informer clairement les usagers": comment peut-on le prétendre?

- "leur détresse ou leur maladie aggravées, et souvent, hélas d'être abusées": les rues, les hôpitaux, les prisons sont emplis d'âmes en détresse... Ne pourrait-on s'occuper d'apporter à celles-ci quelque vrai réconfort, plutôt que de s'acharner vainement à lutter contre d'éventuels charlatans?
Le propre du charlatan étant d'échapper à toute loi, pour y contrevenir et ... abuser, ce sera probablement lui qui échappera le mieux à celle-ci et qui continuera le mieux à abuser ... Les prétendus protégés auront alors été vraiment abusés. Par qui? Par qui aura prétendu les protéger...!!!


- "ainsi que par les associations de victimes." La façon de brandir des "victimes" (on ne sait de quoi) pour justifier l'injustifiable, laisse rêveur... Qui est victime de quoi? Cette culture de la victime qui résonne comme une invitation à l'irresponsabilité ne semble-t-elle pas quelque peu abusive ... ?

- "Cette carence incompréhensible a pour conséquence d'augmenter chaque jour, un peu plus, le nombre des victimes." Voir plus haut ... L'art de dramatiser, de faire peur, de promettre et de ne s'engager à rien sinon à prédire le pire pour exercer une pression dans un domaine où l'on est ignorant... Le goût du poivoir semble pour se faire entendre prêt à faire de vrais ravages ... Cet argument ne serait-il pas un peu .... abusif?

- "saisis par les professionnels compétents qualifiés, par de nombreuses victimes et leurs familles," Voir di-dessous: les victimes n'auraient-elles bon dos ?

- "Nous connaissons malheureusement l'influence de cette mouvance où les pressions et manipulations constituent des pratiques habituelles" Qui a dit influence, pressions, manipulations... ? Voir plus bas ...

- "mais également et surtout dans le respect des garanties voulues par le législateur." Que l'on nous assure qu'après cette loi, il n'y aura plus de "charlatan", ni "d'abus", ni de "victimes"...


En fait, à lire cette lettre, il s'en faudrait de peu pour que l'on se dise qu'elle est un auto-portrait de ses auteurs qui finalement connaissent pas si mal leur sujet: celui-ci n'est en effet pas la psychothérapie (dont ils prétendent vouloir se mêler) mais la dénonciation à tout vent, à la limite de la délation à laquelle il réponde, la pression et l'abus de pouvoir en tout genre. Redoutables, il est vrai, comme il est vrai qu'ils ne parlent pas de psychothérapie... Mais de tout autre chose, de ces relations d'influence douteuse et d'abus qui en effet sévissent chez toute personne que l'exercice du pouvoir séduit, au point d'en faire son métier afin de soumettre l'autre à son bon désir, au prix de n'importe quelle pression.
Ce à quoi devrait permettre d'échapper (in fine) une psychanalyse ou une psychothérapie bien menées.

Peut-être certains prétendus psys agissent-ils ainsi, certes, mais ce n'est pas la psychothérapie qu'ils exercent... alors ... mais plutôt les armes du pouvoir et de la politique qu'ils manipulent ... !



Quand on constate à quel point certaines subtilités essentielles échappent aux auteurs de la lettre ci-dessus, on se plaît à rêver que si ces messieurs avaient pris le temps d'aller voir et entendre

PAROLES DE PSYCHANALYSTES?du 3 décembre 2006 au 27 février 2007 au MK2 Beaubourg à Paris

leur point de vue aurait changé pour jouer alors plus en faveur de ceux qui aspirent à entreprendre une démarche personnelle à la découverte de l'inconnu en soi qu'à l'encontre de présupposés fabricants de victimes ...


Paroles de psychanalystes est une série de films réalisés par Daniel Friedmann, chercheur au CNRS. Une présentation de la série est accessible sur

psychanalyse en mouvement off


Avec Eduardo Prado de Oliveira, Elisabeth Roudinesco, François Roustang, Georg Garner, Ginette Raimbault, Isi Beller, Jean Clavreul, Jean-Bertrand Pontalis, Jean-Paul Valabrega, Laurence Bataille et Markos Zafiropoulos.



Pour qui n'aura pu assister à leur projection en salle, certains de ces films peuvent être visionnés directement sur le site du CNRS.










Quelques liens sur le sujet ...


La psychothérapie parmi les médicaments : les dernières facéties du Dr Accoyer

Le titre de psychothérapeute en France : Décembre 2006

Réunion du 15 juin 2006 Échos et réactions des associations

René Major Lettre ouverte au Ministre de la Santé

René Major 2 ème lettre ouverte au Ministre de la Santé

Avant projet de décret au 7 avril 2006 et réactions dans la presse

Réunion du 15 juin 2006 Le point de vue de F.-R Dupont Muzart

René major Une position

Une réflexion de Pierre Bruno

Un courrier de Jean-Paul Kornobis pour affirmer l'opposition de l'a.l.e.p.h à toutes formes d'ingérence de l'Etat en matière de psychanalyse

Psychanalyse en mouvement Préambule

Quelques questions en arrivant sur le site ?

09/01/2007
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