Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Freud et L'image

Freud et l'image

 

Avril 2009






Argument du colloque 
Programme
Arguments des interventions et titres des auteurs
Informations pratiques 
Bulletin d’inscription
 
 
Freud et l’image
Paris : Sorbonne-ENS, 2, 3 et 4 avril 2009
 
Loin des poncifs moralisateurs qui dénoncent, dans notre société, un impérialisme de l’image au détriment de l’écrit, la psychanalyse a dû, dès son départ, tenir compte des effets de l’image sur les êtres parlants. Ces effets, qui ne sont pas des moindres et ont affecté Freud lui-même, relèvent souvent de l’énigme et provoquent la perplexité. L’art s’en empare dans ses créations pour atteindre le spectateur dans son intimité ; la psychanalyse, quant à elle, peut les éclairer. Elle y est notamment conduite lorsqu’il apparaît que l’image est une source de souffrance. L’image du corps propre d’un sujet, par exemple, si celle-ci lui échappe comme dans la schizophrénie ; l’image de l’être perdu qui fuit avec sa libido dans la mélancolie ; l’image qui le hante ou l’aspire dans l’hallucination ou qui l’angoisse, plus banalement, dans le cas de l’anorexie.
Dans La Science des rêves, Freud élabore la théorie et la clinique d’un sujet divisé : dans son sommeil, le dormeur est soumis à une véritable passion des images dont son inconscient et son préconscient sont pourtant les machinistes. La rédaction de ce livre inaugural de Freud, véritable acte de naissance de la psychanalyse, n’est-elle pas contemporaine de l’invention du cinéma par les frères Lumière ? L’interprétation du rêve est censée remonter dans les méandres et les rouages de sa production qui peine souvent, à l’instar d’un travail réel dit « travail du rêve », à soumettre l’image à l’écriture des pensées du rêve, eu « égard à la représentabilité » de ces pensées. L’image semble être ici serve du logos, esclave frappée d’un certain archaïsme : le rébus du rêve, n’est-il pas comparé par Freud aux hiéroglyphes ? C’est la pensée et finalement le langage qui dépassent l’image et la dominent. Seul le sujet, dans sa foncière « stupidité » dira Lacan, la regarde avec fascination, sans rien y comprendre jusqu’à ce que le sens du rêve lui soit révélé.
Or, on trouve aussi chez Freud une autre attitude, un rapport tout différent à l’image, opposé au précédent, où le découvreur de l’inconscient se montre touché par une image dont le sens se dérobe plus longtemps que celui du rêve. Cette passion-là commence déjà quand Freud s’intéresse au « souvenir-écran » qui résiste un peu plus qu’un rêve à son déchiffrage. Lacan caractérisera le souvenir-écran comme un « arrêt sur image » cinématographique et le mettra dans un rapport structural avec le fétichisme. Plus inquiétant encore, cet autoportrait  de Luca Signorelli, le peintre du Jugement dernier, fresque que Freud avait visitée dans le Duomo d’Orvieto. Son oubli du nom du peintre lors d’un voyage en Dalmatie contraste d’une façon étrange avec la luminosité d’une parcelle des fresques qui semble le narguer, comme si l’image gardait ici le dernier mot. Or plus Freud avance dans son œuvre, plus il est attiré par des peintures ou par des sculptures qui renferment un message qui lui échappe. Ainsi son interprétation trop subjective voire symptomatique du Moïse de Michel-Ange ne cesse d’être réfutée par les historiens d’art. En avançant que Michel-Ange avait voulu représenter un Moïse capable de maîtriser ses affects et pulsions, en qui l’esprit l’emporterait sur la matière, Freud anticipe sur son propre Moïse, fondateur du monothéisme juif et sur l’aversion des images comme la condition d’une spiritualité exceptionnelle reconnue aux Juifs. Réponse radicale à la force envoûtante de l’image.
Lacan a dû affronter cette puissance de l’image à travers sa théorie de la fixité du fantasme. Entré dans le discours psychanalytique par la porte de l’imaginaire, tel qu’il avait été conceptualisé par Sartre et Merleau-Ponty, Lacan déprécie pourtant d’abord cette dimension en faveur du symbolique et plus tard du réel, mais sans jamais mettre en veilleuse ni sa recherche sur les pathologies de l’image du corps ni sa passion  pour la peinture. Ce n’est que vers la fin de son enseignement qu’il réévalue l’imaginaire comme l’équivalent des deux autres coordonnées, le symbolique et le réel, le traitant désormais comme une donnée irréductible de l’expérience humaine, voire la matrice du symptôme dans le cas de Joyce qu’il étudie toute une année.
Notre colloque prendra donc au sérieux la tension qui existe, d’une part, entre l’image dont le sens se laisse dévoiler même s’il se soustrait d’abord au sujet comme dans le rêve ou d’autres formations de l’inconscient et, d’autre part, l’image qui excède le discours, qu’elle soit porteuse des effets esthétiques les plus divers ou productrice de symptômes qui vous laissent coi.
Ne faudrait-il pas d’ailleurs examiner le lien entre l’image et la détermination de son support et se pencher par exemple sur le dessin par lequel l’homme aux loups a représenté les cinq loups sur un arbre qui l’avaient tant effrayé lors de son premier rêve d’angoisse ? Ou sur les girafes chiffonnées du petit Hans ? Quel rapport y a-t-il entre ces images cliniques et d’autres « images freudiennes » comme l’autoportrait de Signorelli ou encore le sourire de Mona Lisa ou la sculpture de Michel-Ange, si ce n’est qu’elles ont été engendrées à partir du désir de l’Autre ?
Le rêve montre, mais, plus généralement, l’image donne aussi l’injonction de voir, sans qu’il soit toujours possible de déterminer le destinataire de cette injonction. Les recherches sur la dévotion chrétienne devraient à cet égard apporter des enseignements riches de paradoxes et de surprises. L’image se fait le vecteur de toutes sortes de volontés religieuses ou politiques. Elle a aussi la fonction d’assouvir la pulsion, faisant partie des montages qui la supportent. Une image peut ainsi véhiculer les impératifs du surmoi « obscène et féroce » et contribue parfois à cette inflation visuelle qui nous rend aveugle.    
 Nos exposés porteront donc d’une part sur le rapport littéraire ou rhétorique de la lettre à l’image dans les textes littéraires et d’autre part sur l’étude de l’image dans la photo, le cinéma ou la vidéo, ainsi que leur questionnement par la psychanalyse. Sans omettre l’image dans la psychanalyse, dans ses diverses acceptions, cliniques, freudiennes ou lacaniennes.   
 
 
Jeudi 2 avril —Littérature, art, théâtre—
Sorbonne, amphi Louis Liard, 17, rue de la Sorbonne, 75005 Paris. 
 
9h – Ouverture : Georges Molinié, Président de l'Université
9h 15 -10h45 -Présidence : Nancy Berthier
Sadi Lakhdari,  professeur à la Sorbonne, (Paris IV), hispaniste
«Les mots et les images chez Freud et Pérez Galdós :
le dialecte du rêve et la création littéraire » 
Mercedes Blancoprofesseure à Lille III, hispaniste
«L’œil de Polyphème. Góngora et un mythe générateur d’images» 
Pause café

11h-12h30Présidence : Jean-Paul Kornobis

Bruno Nassim Aboudrarprofesseur d’esthétique – Théorie de l’art à l’Université de Paris 3-Sorbonne nouvelle 
«L’image voilée»
Pierre-Henri Castel, philosophe, historien de la psychiatrie et de la psychanalyse, directeur de recherches au CNRS et psychanalyste, membre de l'Association Lacanienne Internationale
« L'image freudienne, suspens entre action et signification »
Pause déjeuner
14h30-16hPrésidence :  Maria-Graciete Besse
 Luiz Renato Martinsprofesseur au Département des arts plastiques et à l’ « Escola de Comunicações e Artes », Université de São Paulo, Brasil
« David et l’avenir d’une illusion : l’autonomie de l’art »
Sophie Mendelsohn, psychologue clinicienne, psychanalyste, Paris
« Claude Cahun, l’écrit, l’image »
16h-16h45 -Présidence : Lucile Charliac
Michel Weemans, Chargé de conférences à l’EHESS et enseignant à l’ENSA de Bourges, actuellement boursier du Netherland Institute for Advanced Studies à Wassenaar, et commissaire associé de l’exposition « L’image double » (Galerie Nationales du Grand Palais, 6 avril-6 juillet 2009)
« La Vocation de saint Pierre » : exégèse visuelle et figurabilité selon Henri Bles. »
Pause thé
17h15-18h45 -Présidence : Frédéric Yvan
Antonio Quinet, psychanalyste, psychiatre, docteur en Philosophie (Paris VIII), analyste membre de l'École de psychanalyse des forums du champ lacanien, dramaturge et directeur de la jeune compagnie de théâtre « Inconscient sur scène », professeur adjoint de psychanalyse de l'Université Veiga de Almeida (Rio de Janeiro)
« L'Inconscient structuré comme un théâtre »
Marie-Claire Boons, psychanalyste, membre de l'École de Psychanalyse Sigmund Freud
« Images et politique »
 
 
Vendredi 3 avril —Épistémologie
Sorbonne, amphi Louis Liard, 17, rue de la Sorbonne, 75005 Paris.
 
9h15-10h45 -Présidence : Diana Kamienny
Esteban Radiszc, psychanalyste à Santiago du Chili et Maître de conférences à l’Université Alberto Hurtado et à l’Université du Chili, docteur en psychopathologie et psychanalyse (Université Paris 7).
« Destin des images et déréalisation de l’objet.
À propos de la dématérialisation dans l’art contemporain. »
Vladimir Safatle, Professeur aux départements de Philosophie et de Psychologie de l’Université de São Paulo, cofondateur de la Société Internationale de Psychanalyse et Philosophie
« Transfert d’images »
 
Pause café
11h-12h30 Présidence Mercedes Blanco
André Michels, psychiatre et psychanalyste (Luxembourg), membre d'Espace analytique et chercheur-associé à l’Université Paris 7
« Irreprésentable ou interdit de la représentation? »
Diana Rabinovich, psychanalyste à Buenos Aires, professeure à l’UBA
« La pudeur aujourd’hui »
Pause déjeuner
14h30-16h15 - Présidence : Geneviève Morel
Hubert Damisch
« Le maître, c'est lui »
16h15-17h -Présidence : Monique Vanneufville
Franz KaltenbeckPsychanalyste à Paris, à Lille et au SMPR de la Maison d’arrêt de Sequedin du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille. Rédacteur en chef de Savoirs et clinique. Revue de psychanalys
«Des images insoutenables »
 
Pause thé
 
Samedi 4 avril  - Cinéma -
ENS, salle Dussane, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris.
 
9h15-10h45 - Présidence : Brigitte Lemonnier
Régis Michel, Conservateur en chef au Musée du Louvre
« Dumme Dinge : Freud cinéphobe ? »
Daisuke Fukuda, Chargé de cours à l'université Aoyama Gakuin, School of Cultural Creative Studies (Tokyo). Doctorant de l’université Paris VIII
« Le « retour à Freud » dans le Cinéma de Deleuze »
Pause café
11h-12h30 -Présidence : Sadi Lakhdari
Geneviève Morel, Psychanalyste à Paris et à Lille, ancienne élève de l’ENS, docteur en psychologie clinique et psychopathologie, présidente de « Savoirs et clinique » et du « Collège de Psychanalystes d’Aleph »
« Deuil, mélancolie et catastrophes au cinéma »
Nancy Berthier, Professeure des Universités (université Paris-Est). Agrégée d’espagnol, ancienne élève de l’ENS (Ulm), ancienne élève de l’École des Hautes Études Hispaniques (Casa de Velázquez, Madrid). Doctorat et Habilitation à diriger des recherches soutenus à Paris IV-Sorbonne
« Quand Hitchcock rencontre Dali :
Spellbound (La Maison du Docteur Edwards, 1945) »
Pause déjeuner
14h30-14h45 Hommage à Jérôme Cornette
15h-16h15 -Présidence : Sophie Mendelsohn
Joan Copjec, Professeure d’anglais, de littérature comparée et de « Media studies » à l’Université de Buffalo, où elle dirige également le Centre d’études de la psychanalyse et de la culture
« Le monde imaginal : de Paris à Téhéran »
Lin Chi-Ming, Professeur associé au Département des Arts, National Taipei University of Education, professeur invité à l'Université Paris 7
« L'étrangeté familière de la photographie »
16h15-17h -Présidence : Franz Kaltenbeck
Peter Weibel, Chairman and CEO of the ZKM/Center for Art and Media, (Karlsruhe) depuis 1999, Honorary Doctorate de l’Université d’Art et Design d’Helsinki et directeur artistique de la biennale de Séville, Biacs3, en 2008.
« Voir pour  Savoir. Est-ce que c'est possible ? Et comment ? »
 
Clôture
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Arguments des interventions et titres des auteurs

L’image voilée
Bruno Nassim Aboudrar
 
Une œuvre non figurative – un tableau abstrait, par exemple – est-elle une image ? Rigoureusement, non. L’image a partie liée avec sa propre étrange faculté à imiter ce que la théorie de l’art a longtemps nommé la nature, la création dans le discours religieux – à figurer. Et une peinture abstraite ne peut être dite image que parce qu’elle est reproduite, ou parce qu’on la perçoit à partir de notre habitude des images. Pourtant, il y a dans toute image, central et constitutif, un motif qui tend à la limite de la figure, ainsi des toiles (nappes, linges, suaires), voiles, drapés dont l’image, en Occident, le plus souvent se compose. Pour autant qu’on connaisse le regard de Freud, il n’aura pas ignoré cette dimension non imageante de l’image, durant ses jours passés à Saint Pierre aux liens, à suivre le flot de la barbe de Moïse.
 
Professeur d’esthétique – Théorie de l’art à l’Université de Paris 3-Sorbonne nouvelle. Auteur de Voir les fous, Paris, PUF, 1999 ; Nous n’irons plus au musée, Paris, Aubier, 2001. Ici-bas (roman), à paraître en avril 2009 chez Gallimard.
 
 
Quand Hitchcock rencontre Dali : Spellbound (La Maison du Docteur Edwards, 1945)
Nancy Berthier
 
Selon Marc Vernet, « le grand apport de la psychanalyse a été de fournir un nouvel alibi à la structure du film narratif américain. Elle justifie en effet à la fois la démarche du film (énigme, récurrence, solution finale, etc.) et les actes des personnages. » Dans le processus de « cinématographisation de la psychanalyse » qui a irrigué le cinéma américain mais aussi européen du 20ème siècle, ce film de Hitchcock occupe une place à part en raison de la rencontre qu’il suppose entre deux univers, celui du maître du suspense et celui de l’artiste surréaliste : « J’ai voulu absolument rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont habituellement brumeux et confus […] j’ai demandé à Seznick de s’assurer la collaboration de Salvador Dali », a précisé Hitchcock. De quelle manière ces deux univers convergent au service d’une « mise en image » de la théorie psychanalytique du rêve ?
 
Professeure des Universités (université Paris-Est). Agrégée d’espagnol, ancienne élève de l’ENS (Ulm), ancienne élève de l’École des Hautes Études Hispaniques (Casa de Velázquez, Madrid). Doctorat et Habilitation à diriger des recherches soutenus à Paris IV-Sorbonne. Auteure de Le franquisme et son image. Cinéma et propagande, Toulouse, PUM, 1998 ; De la guerre à l'écran: ¡Ay Carmela! de Carlos Saura, Toulouse, PUM, 1999, 2e édition augmentée en 2005 ; Tomás Gutiérrez Alea et la Révolution cubaine, Paris, Cerf, 7e Art, 2005.
 
 
 -L’œil de Polyphème. Góngora et un mythe générateur d’images
Mercedes Blanco
 
Les mythes grecs, dont on peut poser qu’ils sont, comme tous les mythes, d’abord des récits et donc des êtres de discours, relevant avant tout du symbolique, ont depuis toujours engendré des images, aussi nombreuses que fascinantes, au point qu’il est des mythes, comme celui des Amazones, dont les témoignages les plus anciens et de loin les plus nombreux, se trouvent non pas dans des textes, mais dans des peintures sur des vases, le plus souvent attiques. La Renaissance et le Baroque se caractérisent par un retour du mythe grec (connu le plus souvent par des sources romaines). Or ce retour paraît rigoureusement inséparable d’un retour de l’image, ou de l’imagerie mythologique, et il coïncide avec un enrichissement et extension sans précédents du domaine de la peinture. Nous analyserons cette appartenance réciproque du mythe et de l’image fixée et perpétuée comme œuvre d’art, peinture et sculpture, à travers l’attention particulière portée à un des grands poèmes du Baroque, la Fable de Polyphème de Góngora, récit d’un mythe où le drame met en jeu la vision et son corrélat la cécité. Ce poème nous submerge dans un flot d’images ou d’effets d’image dont nous tenterons d’élucider les mécanismes et la visée.
 
Professeure à l'Université de Paris IV-Sorbonne et spécialiste de littérature espagnole (période classique), ancienne élève de l’ENS, agrégée d'espagnol. Auteure de Les Rhétoriques de la pointe. Balthazar Gracián et le conceptisme en Europe, Paris, Champion, 1992 et Introducción al comentario de la poesía amorosa de Quevedo, Madrid, Arco Libros, 1998.
 
 
-Images et politique
Marie-Claire Boons
 
À partir du bannissement platonicien de tout recours à l'image, on examinera, dans des situations politiques différentes, des rapports singuliers à l'image et à son utilisation, depuis la non-pensée jusqu’à son au-delà.
 
Psychanalyste, membre de l'École de Psychanalyse Sigmund Freud. Auteure de Le Pas aveugle, Paris, Denoël, 2008 ; elle a contribué à C'est terrible quand on y pense, Paris, Galilée, 1982 ;  Mulheres/Homens (Ensaios psicanaliticos sobre a Diferença Sexual), Rio de Janeiro, Edition Relume Dumara, 1992.
        
 -L'image freudienne, suspens entre action et signification
Pierre-Henri Castel
 
Freud défend dans L'interprétation du rêve deux thèses métapsychologiques dont l'articulation est notoirement problématique. L'appareil psychique est conçu comme un « appareil optique », d'une part (autrement dit, de façon statique, avec des lieux virtuels où apparaît l'image), et, d'autre part, « le rêve remplace l'action » (cette dynamique reposant sur le désir et la visée de son objet). Ne pourrait-on pas supposer que Freud, en réalité, convoque ici mais sans pouvoir la nommer ni la conceptualiser, une certaine idée de ce qu'on appellerait plutôt aujourd'hui « image motrice »?
Seconde question : en quel sens image (notamment onirique) et signification (surtout verbale) sont-elles associées? L'image est-elle un effet de sens, la trace psychique fugitive du passage « évocateur » des mots? Ou a-t-elle une texture si propre qu'elle conserve une qualité mentale idiosyncrasique, que la signification verbale, en principe universelle, informe, telle une matière plastique et toujours particulière? Comment alors concevoir l'effet de la parole sur l'image : comme fonction de « l'action de parler », au sens d'une image motrice subordonnée à l'articulation des mots, ou en un autre sens encore de l'action, comme lié au pouvoir figurant ou imageant de ce qu'on appelle un « acte de parole »?
Dans le prolongement de ces questions, l'enjeu est bien sûr de comprendre en quoi consiste la figurabilité (Darstellbarkeit), mais aussi l'inertie imaginaire spéciale du fantasme, lequel pourtant n'est pas toujours insensible à l'interprétation...
 
Philosophe, historien de la psychiatrie et de la psychanalyse, directeur de recherches au CNRS et psychanalyste, membre de l'Association Lacanienne Internationale. Il a notamment publié A quoi résiste la psychanalyse? Paris, PUF, 2006.
 
 -L'étrangeté familière de la photographie
Lin Chi-Ming
 
Lire la photographie à la lumière de l’Unheimlich de Freud et lire l’Unheimlich à la lumière de la photographie, tel sera le point de départ de cette tentative. Autant que le sème du secret caché et de la familiarité devenue inquiétante, les thèmes des yeux arrachés, du double et de la mort, du clivage et de la convergence de la mécanique et l’optique, de la répétition non intentionnelle, de la signification secrète, du symbolisme excessif, du retour du même, de la folie, des membres coupés, de la léthargie sont lisibles sous ces angles différents. Cette lecture réciproque nous amènera surtout à une autre idée de l’inconscient optique et à une autre version de la photographie surréaliste. La lecture se terminera sur une analyse de l’œuvre de Chang Chien-Chi, le seul photographe taïwanais devenu membre de l’agence Magnum.
 
Professeur associé au Département des Arts, National Taipei University of Education, professeur invité à l'Université Paris 7. Ses publications récentes portent sur la photographie, l'art contemporain, l'esthétique, le cinéma et la pensée contemporaine. Il a notamment publié un livre sur la photographie réaliste et le photo-reportage à Taiwan (2004) et un article sur l'art contemporain et la photographie à Taiwan dans Frontières de l'art, frontières de l'esthétique (Paris, You-Feng, 2008). Il est également le traducteur en chinois de W. Benjamin, F. Baudrillard, M. Foucault, P. Bourdieu et P. Jullien.
 
 
-Le monde imaginal : de Paris à Téhéran
Joan Copjec
 
« Alam al-mithal » est l’un des concepts propres aux « falasifa », ces philosophes islamiques du Moyen-âge qui travaillaient dans la tradition d’Avicenne. Henri Corbin, iranologue, philosophe, mais aussi ami et collègue de Lacan, est connu pour avoir élaboré ce concept, qu’il a traduit – non sans rapport avec l’imaginaire lacanien – par « monde imaginal ». Cette communication cherchera dans un premier temps à démontrer que la psychanalyse fait place à l’imaginal, et montrera dans un second temps comment ce concept est à l’œuvre dans les films du cinéaste iranien, Abbas Kiarostami. Ma thèse consiste à faire du « monde imaginal » le ressort du cinéma de Kiarostami et de sa compréhension de l’image.
 
Professeure d’anglais, de littérature comparée et de « Media studies » à l’Université de Buffalo, où elle dirige également le Centre d’études de la psychanalyse et de la culture. Après avoir été une des éditrices de la revue d’art new-yorkaise October, elle s’occupe aujourd’hui de la revue Umbr(a)Auteure de Read My Desire : Lacan against the historicists et Imagine There’s No Woman : Ethics and Sublimation.
 
 
« Le maître, c'est lui »
Hubert Damisch
Hubert Damisch a enseigné pendant trente ans à l’EHESS. Il a notamment publié Un souvenir d’enfance par Piero della Francesca, Paris, Seuil, 1997 ;  L’origine de la perspective, Paris, Champs Flammarion, 1999 ; Le jugement de Pâris, Paris, Champs Flammarion, 1999 ;  et Ciné fil, Paris, Seuil, 2008. Il prépare actuellement un ouvrage sur Luca Signorelli.
 
 
 
— Le « retour à Freud » dans le Cinéma de Deleuze
Daisuke Fukuda
 
Le thème du double est abondant dans les travaux littéraires de Freud. Il est abordé par ses écrivains préférés comme Zweig, Schnitzler, Hoffmann et surtout Jensens, auteur de la Gradiva. Nous traiterons de l'analyse cinématographique du double avec Deleuze. Dans son ouvrage consacré au septième art, le philosophe est plus freudien qu'on ne l'imagine. Il l’est surtout quand il traite les films d’Antonioni. En abordant le même thème grâce à deux médiums différents, nous verrons la richesse de l'abord freudien de l’image.
 
Chargé de cours à l'université Aoyama Gakuin, School of Cultural Creative Studies (Tokyo). Doctorant de l’université Paris VIII.
      
Des images insoutenables
Franz Kaltenbeck 
 
La fonction du rêve de garder le sommeil et de satisfaire un vœu, qui remonte à l’enfance, échoue dans le rêve d’angoisse, explique Freud à la fin de La Sciences des rêves. Les rêves des névroses traumatiques, qui surviennent après des accidents ou des actes de guerre, mentionnés dans Au-delà du principe du plaisir, remettent toujours à nouveau le rêveur dans la situation traumatisante, et ne remplissent pas non plus cette fonction. À quoi servent-ils alors ? Leurs images se distinguent-elles de celles d’un rêve classique, forment-elles encore un rébus pour chiffrer l’inconscient? Le rêveur est-il représenté par tous les personnages quand par exemple le cauchemar d’un assassin lui montre le corps de sa victime ? Afin de répondre à ces questions nous interrogerons des psychanalystes après Freud, avant tout Lacan, qui a tenu Finnegans Wake, l’œuvre ultime de James Joyce, pour un vaste cauchemar. Nous travaillerons aussi sur les rêves traumatiques de détenus ayant commis des crimes de sang.
 
Psychanalyste à Paris, à Lille et au SMPR de la Maison d’arrêt de Sequedin du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille. Rédacteur en chef de Savoirs et clinique. Revue de psychanalyse. Auteur de nombreux articles de psychanalyse et de critique littéraire, ainsi que de Reinhard Priessnitz, der stille Rebell, Vienne/Graz, Litteraturverlag Droschl, 2006. Éditeur, avec Peter Weibel, de Trauma und Erinnerung, Vienne, Passagen-Verlag, 2000 et de Sigmund Freud, Immer noch Unbehagen in der Kultur?Berlin, Diaphanes, 2009. Enseigne à « Savoirs et clinique » et anime le séminaire « Psychanalyse et criminologie » au SMPR de Lille.
 
 
Les mots et les images chez Freud et Pérez Galdós : le dialecte du rêve et la création littéraire
Sadi Lakhdari
 
Les images visuelles et non les mots sont les modes de représentation privilégiés par le rêve. Ce système d’écriture n’est pas une langue mais un des dialectes de l’inconscient qui en possède d’autres. Le déchiffrage du rêve comparé par Freud à celui du rébus ou des hiéroglyphes a pour but de transcrire en mots ces images qui renvoient toujours à un substrat infantile perdu pour la conscience.
Benito Pérez Galdós (1843-1920), le plus grand romancier espagnol du XIXe siècle, développe des théories très semblables dans un de ses romans, Angel Guerra (1890-1891) où il accorde une grande importance aux « cauchemars constitutifs » de son héros. L’étude rapide de ce texte que nous prendrons en exemple nous permettra d’aborder les rapports entre le mot et l’image tels que les envisage Freud en posant la question de la création littéraire. Comment la mise en mot peut-elle permettre un accès à l’inconscient et comment la création de rêves fictifs peut-elle parvenir à ce même résultat, c’est la question que nous poserons. Dans ce cas précis c’est à partir de textes littéraires et de tableaux implicitement désignés que l’auteur tente de donner forme à des représentations visuelles endogènes, nouant réalité, imaginaire et symbolique de façon complexe.
 
Professeur de littérature espagnole contemporaine à l’université de Paris-Sorbonne, ancien élève de l’ENS-ULM, agrégé d’espagnol, et détenteur d’un DESS de psychopathologie. Il dirige l’UFR d’Études ibériques et latino-américaines ainsi que le CRIMIC à l’université Paris-Sorbonne. Il a publié plusieurs éditions de romans de Benito Pérez Galdós en français chez Garnier-Flamarion et en espagnol chez Biblioteca nueva. Sa thèse d’État, publiée simultanément chez l’Harmattan et aux Éditons hispaniques de Paris IV, porte sur l’interprétation psychanalytique des romans de Galdós.
 
 
-David et l’avenir d’une illusion : l’autonomie de l’art
Luiz Renato Martins
 
L´affiliation de David à la cause jacobine est indiscutable et le Marat (1793) est un « chef-d’œuvre », dit Baudelaire. Mais l’histoire passe et la peinture de David se met aussi au service du césarisme, contribuant à la sacralisation de l’État post-républicain comme fabrique de tabous. Quels sont alors les rôles de l´art et de l´image dans cette nouvelle situation, qui est aussi celle de l´assassinat de la Révolution? Clivage, duplicité, ambivalence ou lieu du non-dit et de l’impensé ? Dans la polyvalence de la scène de « l’Odisseus » du Saint-Bernard, image qui est aussi celle d’un « impératif catégorique » incarné, réside déjà l’avenir d´une illusion, celle de l´autonomie de l’art. Nous suivrons les étapes de cette question jusqu’au portrait du tyran au bureau (National Gallery of Art, Washington) comme le Moïse d´un nouveau monothéisme : celui de l´administration panoptique totémisée.
 
Professeur au Département des arts plastiques et à l’ « Escola de Comunicações e Artes », Université de São Paulo, Brasil ; auteur de Manet: uma Mulher de Negócios, um Almoço no Parque e um Bar, Rio de Janeiro, Zahar, 2007 ; coordinateur-scientifique du centre d´études DESFORMAS/ USP.
 
Claude Cahun, l’écrit, l’image
Sophie Mendelsohn
 
Compagne de route indisciplinée du mouvement surréaliste, Claude Cahun a fait œuvre d’écrivain et de photographe de 1914 à 1953. La postérité qu’elle a trouvé chez des artistes contemporaines comme Cindy Sherman a contribué à la redécouverte de son travail de photographe depuis une vingtaine d’années. L’intérêt de la critique s’est alors porté sur ses auto-portraits, qui constituent la majeure partie de son exploration photographique, et l’on n’a pas manqué d’y mettre en évidence la fonction du masque et de la métamorphose comme mise au travail de la question du genre. On a moins remarqué, cependant, que le détournement systématiquement pratiqué dans ses écrits aussi bien que dans ses images profite plutôt à une certaine neutralisation - « Neutre est le seul genre qui me
25/01/2009
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