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Un parcours

Psychanalyse, anorexie et internet


Questions préparées et proposées par
Audrey Cluzel de Manuscrit.com


1/ Pouvez-vous vous présenter ?


Littéraire par mes études, je me suis formée à la psychanalyse très vite. Cependant, il m’a fallu un certain temps pour oser répondre à mon désir de devenir psychanalyste à mon tour.
Un détour passionnant par la recherche et la production artistique et audiovisuelle m’a confortée dans cette ambition, en m’autorisant à m’affirmer dans l’originalité d’une démarche.
Il faut une certaine maturité et un équilibre personnel intérieur pour être à l’écoute de l’inconscient de l’autre.
L’aider à s’accepter et à s’affirmer à son tour dans sa singularité.


2/ Quelles sont les thèses que vous défendez dans votre essai « Tractatus Emotivus Anorexicus » publié sur manuscrit.com ?


Tout symptôme étant un signe qui fait sens, il faut se donner le temps d’entendre ce sens (caché), si l’on se propose de prendre soin. De soi. De l’autre.

On a tout à apprendre en tant que thérapeute de la douleur de celui que l’on se propose de soigner.

Nul n’est coupable d’être né ce qu’il est, mais chacun est responsable de la vie qui lui a été transmise et qu’il se propose de transmettre.

Tout soignant, tout thérapeute, médecin ou non, est là pour entendre, soutenir, mettre en confiance et autoriser la parole à se libérer, la douleur à s’extirper, la vie à se créer.
La science, aussi précieuse soit-elle, n’a pas à faire obstacle, et doit savoir se retirer.

Eviter tout savoir qui enferme.

Accepter, en même temps que la parole qui libère, ses limites, sa part d’impuissance. Et l’expression d’une liberté différente de la sienne. Tant du côté du patient que du thérapeute, de l’analysant que de l’analysé...

Le refus de l’aliénation au désir de l’autre.
Le refus d’une prédétermination génétique fataliste irréversible.

La nécessité d’inviter le sujet au devenir par-delà ses dépendances.

Aucune guérison ne peut faire l’épargne d’une séparation. Réelle ou symbolique. Celle-ci s’opère souvent par un rite sacrificiel douloureux mais nécessaire.

La nécessité d’exister en dehors des définitions (professionnelles, amoureuses, médicales…) sur lesquelles nous avons par ailleurs besoin de nous reposer.

La nécessité de réinventer sa vie, chaque jour.
L’insoumission à tout ce qui enferme dans le préjugé.

Ne pas se satisfaire, vivant, du statut de victime, refuser celui d’objet (de la science, de ses parents, de tractations, de malveillances...)

La nécessité de prendre le mal par la racine sans arracher celle-ci ni perdre le sens de la vie !

Le germe de l’anorexie dans le nœud conflictuel du couple masculin féminin. La nécessité d’apaiser les relations en leur essence. La place du mort impossible à vivre !

3/ Dans quelle démarche s'inscrit la création de votre site internet https://www.psychanalyse-en-mouvement.net/, quelle est sa vocation ?

Créer, selon le principe de la libre association qui est l’un des actes fondateurs de la psychanalyse : associations d’idées, de personnes, de disciplines...

Laisser parler les « hasards » de rencontres. Les coïncidences. Jouer avec les mots pour leur laisser dire ce que l’on ignore vouloir dire. Dégager du sens, le laisser surgir.

En ce qui concerne la psychanalyse : toute grande découverte - dans ses retombées, ses expressions, ses utilisations - dépassant son fondateur, j’ai envie de résister aux tentatives d’hégémonie sans partage et de mettre en lumière certains courants de sensibilité, par delà les rivalités mortifères.
Je pense qu’ici comme ailleurs, la descendance à tout intérêt à s’accepter et se reconnaître dans sa multiplicité plutôt que de s’entretuer pour un héritage...
C’est pourquoi, dans la mesure où je l’ai expérimenté à titre personnel, j’aurai envie de dire, par exemple, que Freud et Adler ne sont pas incompatibles même s’ils ont fini dans l’adversité. (Il faut savoir « se déprendre de ses parents », ne pas rester prisonniers de leurs disputes !)


4/ Pouvez-vous en décrire les différentes rubriques, nous présenter ses contributeurs.


Des artistes, des psychanalystes. Des créateurs. Des personnes qui ont été ou sont encore en analyse.
Toute personne qui s’intéresse à la psychanalyse. Que la psychanalyse interroge. La « psy »... La psychogénéalogie, aussi.
Lieu d’affirmation de la portée universelle de singularités... ? Mise en lumière de courants de pensées et de sensibilité... artistique, scientifique, littéraire... En rapport avec la psychanalyse au sens large du terme..
Regard intemporel sur l’actualité, écho ou reflet de points de vue qui me sont suggérés par associations d’idées et dont peu à peu l’évidence de la rencontre se dessinera.

Pour le moment il m’est difficile d’en dire plus… Expression d’un désir dont la réalisation dépend encore des contingences techniques, il progresse chaque jour, pas à pas... Je suis une « web-matrice » débutante !


5/ Une large place est accordée aux témoignages des internautes, vous lancez cette semaine un premier appel à texte, pouvez-vous nous en parler ?


Oui. Il se trouve que lorsque j’ai fait connaître la mise en ligne du Tractatus, j’ai reçu des témoignages passionnants, émouvants. Ce qui a donné lieu parfois à des échanges virtuels. Soit autour de l’anorexie. Soit à partir de la psychanalyse. Des rencontres. De beaux gestes. Des paroles que l’on entendait peu ailleurs. Qui m’ont rappelé certaines difficultés rencontrées par moi-même en d’autres temps. Une certaine urgence, une certaine nécessité.
Je ne sais si cela se reproduira. Je le souhaite. Il faut compter avec le temps.
La psychanalyse, c’est comme la vie, une histoire d’amour et de désamour. De transfert bien sûr. Internet en est un médium puissant.

6/ Au-delà de l'écriture, les formes de communication induites par le média internet sont-elles propice au travail analytique?

Internet est un lieu propice aux associations... C’est un lieu commun de dire qu’il marque une révolution dans l’histoire de la transmission en générale, celle des idées en particulier.
Il crée des ouvertures, déshinibe, fait tomber certaines résistances. Interroge la censure. Ouvre des voies et des possibles. Encourageant une parole plutôt libératrice, il porte des voix qu’ailleurs on n’entendait pas. En cela il est favorable à un travail analytique.
L’interlocuteur disparaît en tant que personne physique, favorisant la venue de propos qui ne parviendraient peut-être pas à se dire face à un corps, un visage, une figure, qui pré-déterminent le propos à venir.
En cela il peut être une bonne entrée en matière à l’analyse, car il fait tomber des peurs dont les motivations inconscientes sont liés au corps et aux apparences.
Je ne suis pas sûre qu’une cure, une analyse, puisse se passer (seulement ?) par Internet... Mais bientôt pourra-t-elle se passer d’Internet ? Internet peut être un apport précieux au travail analytique dont il va modifier le cadre et les modalités.

Il met le corps à l’arrière plan, et en ce sens, je trouve qu’il ouvre une dimension métaphorique du symptôme « anorexique », qui n’est pas tant, comme il est coutume de le dire, le refus de (se) vivre et de s’alimenter, que la nécessité vitale de l’effacement du corps au prix parfois de sa disparition.


7/ Votre site est aussi un lieu de débat et de prises de positions. Quels arguments opposez-vous par exemple à l'amendement Accoyer ?


L’amendement Accoyer a déclenché un vent de panique dans le monde « psy » qui a mis en valeur l’humaine fragilité.
J’essaie, en dehors d’une réactivité imédiate, d’observer ce qui se passe et de l’entendre comme « un symptôme (selon les propos de Ch. Y. Zarca) de la démocratie », mais aussi symptôme d’une époque, d’une société... « La crainte de l’effondrement » de Winnicott aide à l’envisager d’un point de vue psychanalytique avec un peu plus de sérénité. Et autorise quelques clefs pour un regard clinique sur la crise psychanalytique que le vote (à l’unanimité : 12 voix + 1 !) de l’amendement Accoyer a déclenchée.

Chercher à rattrapper, sous couvert d’une sécurisation du public, une pratique qui avait pu se développer parce qu’elle avait échappé à l’emprise de l’Etat me semble un non sens
Comment le « psy », si fragile dans sa pratique qu’il aurait besoin d’un agrément de l’état, peut-il imaginer être à l’écoute d’un autre ? Je me le demande.

En quoi l’Etat peut-il servir d’abri à la psychanalyse ?
En tant que psychanalyste ai-je envie d’être garantie, agréée, protégée par l’Etat ? En tant qu’analysant ai-je besoin de l’Etat comme garant du traitement choisi pour aborder ma relation intime au monde et à moi-même ?
Quels sont les risques réels ? Le risque fait partie d’uns société. Nul Etat ne pourra jamais nous protéger contre tous les risques. Une proposition de cet ordre est falalcieuse. Comment une société peut-elle (se) protéger si elle s’installe dans un statut de victime potentielle par l’intermédiaire des sujets qui la composent ?
La meilleure protection contre les risques de tout ordre peut naître des relations de qualité que nous arriverons à développer. C’est bien le propre de la démarche psychanalytique individuelle qui exige un travail d’autonomisation et de responsabilisation. Le seul qui nous amène à ne plus ressentir un besoin de garantie artificielle bien souvent (pas toujours) inopérante. Rien de pire que les guerres intestines, pour nous exposer aux risques. En nous détournant, humains, de nous-mêmes.
Comment prétendre statuer sur l’inconscient dont nul n’a l’exclusivité et dont le propre est d’être insaisissable ?

La formation de l’analyste est originale. Il est important de préserver cette originalité, pour que l’analyste garde la qualité d’écoute qui permet en puissance à chacun d’affirmer la sienne.
Créer des annuaires de thérapeutes « psy » agréés par l’Etat (sous l’ifluence pernicieuse d’intérêts financiers et de prestige privés, par ailleurs), pourquoi pas des annuaires d’écrivains ou d’artistes labellisés par ce même Etat ?
Ne serait-ce pas une entrave à cette étrange et pas toujours confortable liberté à laquelle est conditionnée l’expression créatrice ? Qui cependant à chaque geste refonde et respecte ses lois, ses contraintes, ses règles, sans lesquelles la création ne peut se vivre ni s’exprimer.


8/ Quels sont vos projets ?


Réfléchir et travailler sur des thèmes qui me tiennent à cœur, telle la sécurité. L’anorexie. La transmission des traumatismes. L’impensé généalogique et familial. Le mensonge. La genèse. Parenté et parité. Identification et appartenance. Explorer avec d’autres les grands mythes.

Ecrire pour faire entendre certaines voix dont je suis l’hôte de passage.
Rester sensible aux signes qui me parviennent.
Développer ma participation à certaines revues.

Participer à l’émancipation de la psychanalyse, à son évolution, à sa démocratisation, à son ouverture au public dans les meilleurs termes.

Continuer à défendre la psychanalyse en tant qu’art et ouverture possible à la création personnelle.

Défendre l’exercie et la pratique de l’analyse laïque (ou profane) sans pour autant m’en prendre à celle qui ne l’est pas! C’est-à-dire défendre la spécificité, la richesse de l’apport, de la psychanalyse pratiquée par des non médecins et la formation particulière qu’elle exige.

Porter un éclairage sur certains carrefours créateurs pour mettre en lumière incidences et coïncidences, qui me semblent remarquables et riches de sens à soutenir.
Pratiquer la psychanalyse sans bouder l’apport extraordinaire de dissidents, tels Alice Miller ou Adler, dont la pensée fut favorable à mon développement personnel. Et dont on retrouve les fondements chez un grand nombre d’analystes (de qualité).

Janvier 2004

Virginie Megglé

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12/01/2004
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